Il est bien connu que diverses mutations génétiques et malformations peuvent toucher l’Homme. Les chats ne sont pas à l’abri, et peuvent aussi être concernés par de tels problèmes de santé affectant leur organisme et/ou leur apparence.
Certaines peuvent menacer leur vie, comme des malformations cardiaques ou du cerveau, et d’autres sont simplement des anomalies sans grande conséquence. C'est le cas par exemple de l’absence de queue et de la polydactylie.
À quoi est due cette particularité ? Y a-t-il lieu de s’en inquiéter ? Dans quelle mesure impacte-t-elle la vie du chat ? Quelles sont les races qui ont souvent 6 ou 7 doigts ?
Le mot « polydactylie » vient des mots grecs « poly » qui signifie « plusieurs », et « daktulos » qui signifie « doigts ». Un animal polydactyle présente donc la particularité d’avoir plus de doigts que la normale.
Cette anomalie physique se retrouve chez les humains, les chiens, les cochons d’Inde, les gallinacés (ordre d’oiseaux comprenant notamment les poules, les dindes, les pintades, les cailles et les faisans) et les chats. La polydactylie a toutefois ses propres caractéristiques et modes de transmission en fonction de chaque espèce.
Normalement, le chat possède 4 doigts plus un ergot sur ses pattes avant, et 4 doigts sur ses pattes arrière. Lorsqu’il est polydactyle, il a couramment 6 doigts, et peut avoir jusqu’à 7 doigts par patte. Cette anomalie n’est pas si rare et touche plus de chats qu’on ne le croit.
La majorité des cas de polydactylie chez le chat touchent uniquement les pattes antérieures, tandis que les cas de polydactylie des pattes postérieures sont plus rares, et les cas où toutes les pattes sont touchées (antérieures comme postérieures) le sont encore davantage.
La polydactylie est la plupart du temps symétrique : si une des pattes avant présente 6 doigts, il y a de fortes chances pour que l’autre en présente le même nombre. Il en va de même en cas de polydactylie des pattes arrière. Cela dit, beaucoup de combinaisons sont possibles.
Comme pour l'être humain, il existe deux formes de polydactylie chez le chat :
Dans un cas comme dans l’autre, chaque doigt supplémentaire est doté de son propre coussinet terminal ainsi que, normalement, de ses propres coussinets palmaires et plantaires.
Dans la grande majorité des cas, la polydactylie est la conséquence d’une mutation génétique héréditaire qui se forme dans l’embryon, et peut être détectée dès le 20ème jour de gestation de la chatte. Le responsable est un gène autosomique dominant à expression variable (gène PD). Dit plus simplement, il n'est pas nécessaire que les deux parents soient porteurs du gène pour que le chaton soit polydactyle.
Un chat qui est polydactyle du fait de la mutation de ce gène ne voit aucunement son espérance de vie ou même simplement son confort de vie menacés. Il s’agit d’une simple anomalie physique, et non d’une maladie.
Par contre, la polydactylie peut aussi résulter d’autres désordres génétiques rares et plus graves, comme le syndrome d’Ellis van Creveld ou l’hypoplasie radiale féline, dont elle est un des symptômes. Ces problèmes génétiques sont susceptibles d'entraîner entre autres des malformations des dents et/ou du squelette, avec à la clé des difficultés éventuelles à manger et/ou à se déplacer.
Tous les chats peuvent être touchés par la polydactylie, peu importe leur sexe, leur race et leur origine. Ceci dit, c’est parmi les Maine Coon et les Pixie Bob que les chats polydactyles sont le plus nombreux, car ces deux races sont marquées par une prédisposition pour cette anomalie génétique.
Le Maine Coon, comme son nom l’indique, est originaire de l’Etat du Maine, aux Etats-Unis. Situé au nord-est du pays, à la frontière du Canada, ce dernier peut connaître des hivers extrêmes, avec beaucoup de chutes de neige.
On estime qu’à une époque, 40% de la population de Shags (l’ancêtre du Maine Coon) était polydactyle : cette particularité leur permettait d’avoir des pattes plus larges et mieux isolées du froid, qui leur servaient en quelque sorte de raquettes. Aujourd’hui, seulement environ 2% des Maine Coon sont polydactyles, mais cette race reste l’une des plus susceptibles de présenter l’anomalie.
Le prix d'un Maine Coon est de l'ordre de 1500 euros, qu'il soit polydactyle ou non. Les mâles sont toutefois en général un peu plus chers que les femelles.
Le Pixie Bob est quant à lui une race de chat très récente, dont l’un des deux chats fondateurs était polydactyle.
Cette caractéristique se retrouve chez ses descendants, puisqu’environ 50% des représentants de la race sont aujourd’hui polydactyles. Il est d'ailleurs tellement courant de voir un chat polydactyle chez les Pixie Bobs que c’est la seule race pour laquelle la polydactylie n’est pas un motif de disqualification dans les expositions félines.
Le prix pour adopter un Pixie Bob polydactyle ou non est généralement compris entre 900 et 1500 euros.
Race récente et très peu connue, l'Owyhee Bob est issu du croisement entre le Siamois et le Manx : c'est ce qui explique qu'il ressemble beaucoup au premier et a souvent une queue courte voire pas de queue du tout comme le second.
Il fait partie des quelques races couramment polydactyles, c'est-à-dire dont les pattes sont dotées de plus de doigts qu'à l'accoutumée. Toutefois, la race étant tellement rare pour le moment, il est difficile d'avoir des chiffres fiables concernant le pourcentage d'individus concernés.
Le prix pour adopter un Owyhee Bob n'est pas connu avec précision, là encore du fait de la rareté de la race et du faible nombre de chatons placés à l'adoption. Les spécimens les moins chers coûtent autour de 300 euros, mais un Owyhee Bob polydactyle risque d'avoir un prix plus élevé.
Le célèbre naturaliste Charles Darwin parlait déjà de polydactylie féline dans son ouvrage The Variation of Animals and Plants Under Domestication, paru en 1868. Avant cela, il n’y avait pas vraiment de connaissance scientifique autour de cette malformation, que ce soit chez les humains ou chez les animaux.
Cela ne signifie pas pour autant que la polydactylie n’existait pas. Ainsi, dans l’Europe du Moyen-Âge, elle était considérée comme un signe de mauvaise fortune. De ce fait, les chats polydactyles étaient alors exterminés, du fait de la croyance selon laquelle cette caractéristique était un signe de sorcellerie. Cela expliquerait d’ailleurs pourquoi, encore aujourd’hui, on trouve si peu de chats polydactyles en Europe continentale, alors qu’ils sont sensiblement plus courants au Royaume-Uni, aux Etats-Unis ou au Canada.
Dès le 17ème siècle, c'est l'inverse : les chats polydactyles étaient très appréciés des marins occidentaux, qui les considéraient comme des porte-bonheurs. Il faut dire qu'avec leurs grosses pattes, ils gardaient mieux l’équilibre sur les mers agitées et étaient particulièrement efficaces pour chasser les souris. Pour cette raison, ils sont aujourd'hui encore très répandus au Pays de Galles, du fait de l’influence des nombreux marins qui y vivaient. Ils y sont surnommés les « Cardi-Cats ».
C’est aussi un capitaine de bateau, Stanley Dexter, qui aurait offert à Ernest Hemingway son premier chat polydactyle dans les années 1930, un chaton blanc que l’auteur nomma Snow White. L’écrivain tomba sous le charme de ce chat et accueillit une cinquantaine de chats polydactyles dans sa maison de Key West, en Floride. Aujourd’hui encore, sa maison héberge de nombreux chats, dont la plupart sont les descendants de Snow White, et donc porteurs du gène polydactyle. En anglais, on surnomme même les chats polydactyles les « Hemingway Cats ».
Pour l’anecdote, le président américain Theodore Roosevelt (1901-1909) possédait un chat polydactyle du nom de Slippers, qui fut l’un des premiers chats de la Maison Blanche.
Il y a quelques décennies, certaines théories selon lesquelles la polydactylie était néfaste pour la santé des chats avaient un large écho. On disait notamment qu’ils étaient maladroits et n’arrivaient pas à chasser correctement, ce qui mettait leur survie en danger. On pensait également que la polydactylie indiquait que le chat était en mauvaise santé et plus faible que ses congénères normaux.
Or, il a été établi depuis qu’en vérité, il n’en est rien. De nombreuses études scientifiques ont en effet prouvé que la polydactylie est sans danger. Il s’agit uniquement d’une anomalie physique, qui causerait seulement un léger retard dans l’apprentissage de la marche et de la grimpe chez les chatons.
Au contraire, la polydactylie serait même parfois un atout, certains chats polydactyles ayant une plus grande habileté que leurs congénères, surtout lorsqu’ils ont des pattes en forme de moufle (polydactylie préaxiale). Cette particularité anatomique leur permet par exemple d’ouvrir facilement des portes, le(s) doigt(s) supplémentaire(s) faisant office de pouce. La polydactylie serait aussi bénéfique pour leur équilibre, et leur permettrait de chasser et de grimper de manière plus efficace.
Même si la polydactylie n'est pas vraiment un handicap et peut même au contraire être considérée comme un atout, elle peut tout de même poser quelques problèmes de santé.
Il faut toutefois prêter une attention toute particulière aux pattes polydactyles. La position de certains doigts peut en effet favoriser l’apparition de griffes incarnées, avec à la clef un risque d’infection si elles ne sont pas bien entretenues.
Certains doigts supplémentaires peuvent ne pas être rattachés directement au reste de la patte, car poussant sur un autre doigt. Bien que ça ne soit pas handicapant pour le chat et que ces doigts soient parfaitement utilisables, cela favorise l’apparition de fractures, car ils sont plus fragiles que les autres.
Si la polydactylie est inoffensive, elle ressemble beaucoup à l’hypoplasie radiale féline, une malformation des pattes qui fait que le radius est beaucoup plus court.
L'hypoplasie radiale est une maladie d'origine génétique, qui provoque aussi l’apparition de doigts supplémentaires sur les pattes du chat. Toutefois, ces derniers poussent au milieu des doigts normaux, et non séparément et en bord de patte comme dans la polydactylie. Il en résulte des pattes très larges et plates.
Si des chats atteints d’hypoplasie radiale se reproduisent, de graves déformations de la patte sont susceptibles d'apparaître dans les générations suivantes, qui, elles, peuvent réellement se montrer handicapantes, et avoir des conséquences néfastes sur la vie du chat. En anglais, on appelle d’ailleurs couramment les chats atteints d’hypoplasie radiale des « twisted cats », c’est-à-dire des « chats tordus ».
En présence d’un chat polydactyle, il faut rester vigilant et à l’affût d’autres symptômes (nanisme, malformations dentaires, difficultés à se déplacer…) qui pourraient indiquer que la polydactylie est le résultat d’une cause plus grave que la simple mutation génétique du gène PD.
Pour différencier un cas de polydactylie génétique d’un cas plus sérieux où l’anomalie est causée par une maladie ou un syndrome, il est possible de faire examiner l'animal par un vétérinaire. Ce dernier pourra examiner les pattes en les manipulant et/ou en faisant une radiographie, et poser des questions sur ses parents et sur l’éleveur, dans le cas où le chat provient d’un élevage.
Si certains signes laissent à penser que la cause de la polydactylie n’est pas la mutation du gène PD (notamment d’autres symptômes physiques, comme des pattes plus courtes et des dents mal placées), il est susceptible de faire faire au chat une prise de sang ou un examen d'urine, en vue de déterminer la cause exacte de l’anomalie.
Si on possède un chat polydactyle ou si on envisage d’adopter un chat qui l’est, il n’y a aucune raison de s’inquiéter de cette malformation : cette anomalie génétique n’a aucune conséquence néfaste sur la vie du chat, voire peut être synonyme d’une agilité accrue. L’époque où elle conduisait à assassiner l’animal est bien révolue ; aujourd’hui, un chat polydactyle serait plutôt considéré comme un porte-bonheur...
Bonjour, Nous sommes un couple de retraités en Belgique (Namur) et désirons adopter un Maine Coon, retraité(e) si...