Plus gros félin au monde actuellement, le tigre de Sibérie est un animal captivant, aux dimensions impressionnantes. Comme les autres sous-espèces de tigres, il s'agit d'un redoutable prédateur, qui n'a absolument pas peur de l'être humain et n'hésite pas à s'en approcher - voire à l'attaquer - si besoin.
Passé près de l'extinction dans le courant du 20ème siècle, il fait aujourd'hui l'objet de mesures de protection importantes. Il demeure néanmoins menacé, ses populations étant stables mais fragiles.
Le tigre de Sibérie, ou tigre de l'Amour, est comme son nom l'indique une sous-espèce de tigre vivant essentiellement en Sibérie orientale, en Russie. Il s'agit d'un cousin du tigre du Bengale, à qui il ressemble beaucoup mais qui vit lui principalement dans les jungles et les marais d'Inde. Son nom scientifique est Panthera tigris altaica.
Comme les autres tigres, le lion, le jaguar et le léopard, il fait partie de la sous-famille des grands félins : il est en effet capable de rugir, ce que ne peuvent faire les petits félins comme le chat domestique, les chats sauvages ou encore le puma.
Le tigre fait partie des félins les plus anciens, dans le sens où il serait apparu avant bien avant les autres grands félins. Il possède un ancêtre commun avec la panthère des neiges, les deux espèces ayant divergé il y a environ 2 millions d'années.
En l'état actuel des connaissances, les spécialistes estiment que les premiers tigres seraient apparus dans la partie est et nord-est de l'Asie, probablement quelque part en Russie ou en Chine. L'espèce se serait ensuite progressivement propagée vers l'Indonésie, l'Inde et le Moyen-Orient, avant de revenir récemment vers la Sibérie où elle aurait engendré le tigre de Sibérie il y a environ 10.000 ans.
Une étude génétique réalisée en 2009 a en effet montré qu'en dépit de leur territoire très éloigné, ce dernier et le tigre de la Caspienne (localisé notamment au Moyen-Orient) sont génétiquement très proches, au point d'ailleurs qu'ils ne forment en fait qu'une seule et même sous-espèce.
À l'inverse, le tigre de Sibérie est très différent des autres sous-espèces présentes dans la partie est de l'Asie, notamment le tigre chinois, pourtant géographiquement très proche de lui. Cela signifie que l'histoire récente du tigre de Sibérie est davantage liée à celle du tigre de la Caspienne qu'à celle des tigres d'Asie.
Sans surprise, le tigre de Sibérie partage un grand nombre de points communs avec les autres tigres, notamment le tigre du Bengale. Toutefois, il présente aussi quelques particularités, qui lui permettent de survivre dans le rude climat de Sibérie.
Le tigre de Sibérie est la plus grande sous-espèce de tigre, et même plus généralement le plus gros félin actuel. Il s'agit du troisième plus gros prédateur terrestre encore en vie, juste derrière l'ours kodiak et l'ours polaire.
De fait, ses dimensions sont impressionnantes. À l'âge adulte, sa hauteur au garrot atteint 100 à 120 cm. Sa longueur est généralement comprise entre 2,7 et 3,8 mètres (queue comprise) pour un mâle, 2,4 à 2,8 mètres pour une femelle. Quant au poids du tigre de Sibérie adulte, il se situe normalement entre 200 et 350 kg pour un mâle, entre 100 et 200 kg pour une femelle.
Le dimorphisme sexuel est donc très marqué, puisque le premier est nettement plus long et quasiment deux fois plus lourd que la seconde.
Le pelage du tigre de Sibérie ressemble beaucoup au pelage du tigre du Bengale : il est de couleur orangée plus ou moins foncée selon les populations, et pourvu de longues rayures noires qui parcourent l'ensemble de son corps. Son ventre, l'intérieur de ses pattes et le dessous de sa queue sont blancs rayés de noir. La queue est quant à elle annelée de noir.
Cet animal possède par ailleurs la particularité d'avoir un pelage qui change beaucoup selon les saisons, afin de s'adapter aux importantes variations annuelles de température de son habitat. La fourrure d'hiver est assez longue, très dense, un peu hirsute, et d'une couleur plus claire afin de lui permettre de mieux se camoufler dans la neige. Grâce à elle et à l'épaisse couche de graisse qui se trouve sous sa peau, il peut résister à des températures descendant jusqu'à -50°C. Le poil d'été est quant à lui plus foncé et beaucoup plus fin, ce qui lui permet de supporter sans broncher des températures allant jusqu'à environ +30°C.
Même si la croyance persiste, aucun tigre de Sibérie blanc n'a jamais été aperçu dans la nature à l'heure actuelle. Certains individus possèdent un pelage plus pâle que la moyenne - en particulier en hiver -, mais aucun n'a véritablement un poil blanc.
En revanche, il existe bel et bien des tigres blancs aux yeux bleus, aussi bien à l'état sauvage (même s'ils sont très rares) que dans des zoos. Mais ce sont en fait des tigres du Bengale, qui ont éventuellement été croisés avec des tigres de Sibérie afin de les rendre plus impressionnants. La confusion est courante, la couleur blanche semblant davantage appropriée pour un félin vivant dans les montagnes enneigées que pour son cousin amateur de jungles et de marécages.
La mutation génétique responsable de ce pelage blanc et de ces yeux bleus s'appelle le leucisme. Il s'agit d'une particularité très rare, que l'on retrouve également chez d'autres félins (il existe par exemple des lions blancs). À l'heure actuelle, les scientifiques ont du mal à expliquer pourquoi et comment elle se produit : ce qui est sûr, c'est qu'elle rend ces animaux très visibles dans leur habitat et constitue donc un handicap certain dans la nature. C'est probablement ce qui explique qu'en dehors des parcs zoologiques, les félins blancs aux yeux bleus sont très rares.
S'il est souvent associé à la partie orientale de la Russie, le tigre de Sibérie a pendant longtemps été présent également autour du lac Baïkal, au nord-est de la Chine, dans la partie ouest de la Mongolie, et même dans la péninsule coréenne ; ce fut le cas globalement jusqu'au début du 20ème siècle. Aujourd'hui, on le trouve essentiellement en Russie, autour des bassins de l'Amour et de l'Oussouri, et il a quasiment disparu de Chine et de Corée.
Son habitat est surtout constitué de forêts (principalement de conifères, de chênes et de bouleaux). Son pelage d'hiver très épais le rend parfaitement capable de vivre à des altitudes élevées et de résister à des hivers très rigoureux. La principale contrainte à laquelle il se heurte alors tient à son alimentation : dans de tels endroits, les proies sont rares, en particulier pendant la saison froide. Pour pouvoir trouver de quoi manger, il a donc besoin d'un territoire extrêmement vaste. D'après une étude intitulée « Population dynamics of the Amur tiger in Sikhote-Alin Zapovednik, Russia » et publiée en 1999, il y aurait ainsi moins d'un tigre par superficie de 100 km².
Quant au tigre de la Caspienne, qui a pendant longtemps été considéré comme une sous-espèce distincte, c'était en fait un tigre de Sibérie vivant simplement sur d'autres territoires - en tout cas d'après une étude génétique réalisée en 2009. Son aire de répartition était très vaste, puisqu'elle s'étendait de la Turquie à la Mongolie, en passant notamment par l'Iran, le sud de la Russie et le Kazakhstan. Il est officiellement considéré comme éteint depuis 1972, mais puisque le tigre de Sibérie existe toujours, il serait possible de le réintroduire sur l'ancien territoire du tigre de la Caspienne et donc de "recréer" ce dernier.
Comme la plupart des autres félins, le tigre de Sibérie est solitaire et territorial : il ne rencontre ses congénères qu'à l'occasion de la reproduction, et le reste du temps il défend jalousement son immense domaine contre les intrus. Ce dernier peut atteindre une superficie de plus de 1000 km² lorsque les proies sont peu abondantes. Très sportif et musclé, cet animal parcourt plusieurs dizaines de kilomètres chaque jour, tant pour rechercher des proies que pour protéger son territoire.
S'il en a l'occasion, il n'hésite pas à tenter d'éliminer des prédateurs concurrents tels que les ours bruns, les loups et les lynx. L'inverse est vrai également, puisque les ours attaquent parfois les tigres. Il faut dire que compte tenu du nombre réduit de proies dans cette région aride, la compétition est rude entre les prédateurs : venir à bout d'un rival direct est donc une occasion à ne pas manquer. Cela étant, le tigre de Sibérie est tellement imposant qu'en dehors des ours, il craint peu les autres carnivores.
Par ailleurs, comme les autres tigres, il n'a pas peur de l'eau et aime se baigner à l'occasion. Des observations ont établi qu'il est plutôt bon nageur et peut parcourir plusieurs kilomètres de distance à la nage. Il reste toutefois un animal essentiellement terrestre.
Comme tous les félins, le tigre de Sibérie est un animal essentiellement carnivore et plutôt opportuniste : il est donc capable d'adapter son régime alimentaire au gibier qu'il trouve sur son territoire. Ses proies de prédilection sont les sangliers et les cervidés, mais il se nourrit aussi à l'occasion d'autres animaux tels que des oiseaux, des poissons, et parfois également des jeunes ours, même s'il préfère cibler des proies moins dangereuses pour lui.
Il chasse principalement à l'affût, son gabarit impressionnant ne lui permettant pas de courir très longtemps ni de poursuivre des proies agiles. Il commence donc par repérer un animal se situant à proximité - si possible vieux, malade ou boiteux, afin d'augmenter ses chances de réussite -, puis s'en approche à pas feutrés jusqu'à se retrouver à une distance d'une quinzaine de mètres de lui. Il lui bondit alors puissamment dessus et le plaque au sol de tout son poids. Les petites proies sont tuées d'un coup de dents, tandis que les grandes sont étouffées d'une morsure à la gorge.
Même si cette technique de chasse semble redoutable, elle est en fait loin d'être efficace, puisque le tigre de Sibérie rentrerait bredouille près de 9 fois sur 10 (comme d'ailleurs les autres tigres). Il est néanmoins capable de rester pendant plusieurs jours sans manger, et donc de prendre son mal en patience. Lorsqu'il parvient effectivement à abattre une proie, il engloutit une grande quantité de viande (jusqu'à 50 kg en un seul repas), ce qui lui permet de faire des réserves et de tenir jusqu'à la prochaine prise.
D'après les observations réalisées, le tigre de Sibérie semble capable de se reproduire toute l'année. Les accouplements sont toutefois plus fréquents en hiver, entre décembre et février ; ceci entraîne un pic de naissances au printemps, lorsque les proies sont les plus nombreuses. Pour se reproduire, mâle et femelle restent ensemble un peu moins d'une semaine, mais ne s'accouplent que pendant environ 3 jours : au terme de cette période, le mâle retourne sur son territoire en laissant à sa compagne d'un instant le soin d'élever sa future progéniture.
La gestation du tigre de Sibérie dure en moyenne une centaine de jours, soit un peu plus de 3 mois. La femelle donne alors naissance à une portée de 2 à 4 petits, qui viennent au monde aveugles et sont totalement dépendants des bons soins de leur mère. Ils ouvrent les yeux vers environ 15 jours, sont sevrés vers 2 mois, commencent à chasser vers 7 mois et deviennent indépendants environ un an et demi plus tard. Ils quittent donc leur mère vers l'âge de 2 ans, et partent alors conquérir leur propre territoire.
Cet animal atteint sa maturité sexuelle entre 4 et 5 ans, ce qui est relativement tard comparé aux autres félins. Dans la mesure où l'espérance de vie du tigre de Sibérie dans la nature est en moyenne d'une quinzaine d'années, cela signifie donc qu'il passe près d'un tiers de sa vie sans être encore capable de se reproduire. Étant donné que de surcroît les portées ne sont pas très grandes et que la mortalité infantile est importante, les populations de tigres se renouvellent finalement plutôt lentement.
Le tigre de Sibérie est un super-prédateur : une fois adulte, il n'est la proie d'aucun autre carnivore. Cela n'a rien d'étonnant, car compte tenu de sa carrure, peu d'animaux sont capables de rivaliser avec lui. Ses petits sont parfois tués et sa nourriture occasionnellement volée par des ours bruns, mais les principales menaces qui pèsent sur lui sont le fait de l'Homme.
En effet, le puissant félin subit depuis le début du 20ème siècle à la fois la chasse par l'être humain et la destruction de son habitat. La pression est telle qu'aux alentours de 1940, il passa tout près de l'extinction, avec seulement une vingtaine d'individus en liberté. Des mesures de protection furent alors prises par la Russie, notamment une interdiction de chasse et la création d'une réserve naturelle. Elles s'avérèrent efficaces : les populations du tigre de Sibérie remontèrent rapidement, jusqu'à atteindre environ 400 individus au début des années 80.
À compter de ce moment-là, les choses recommencèrent à se corser. En effet, les locaux se mirent à chasser massivement les cervidés et les sangliers pour s'en nourrir, ce qui réduisit son nombre de proies potentielles. En parallèle, la déforestation et différents projets d'exploitation minière continuèrent de détruire son habitat. Enfin, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, une cinquantaine de tigres étaient tués chaque année pour leur peau et leurs os, prisés par la médecine chinoise. La population retomba à moins de 200 individus en liberté, mais un vaste plan de préservation fut alors mis en place.
Aujourd'hui, le tigre de Sibérie n'est plus considéré comme en danger critique d'extinction. Il demeure néanmoins menacé : le dernier recensement effectué en 2015 estimait à tout juste 550 le nombre d'individus présents en Russie, un chiffre stable voire en légère augmentation. On compte à peu près autant de spécimens vivant en captivité un peu partout dans le monde.