Le glaucome est une maladie oculaire dégénérative qui affecte principalement les chats âgés, mais pas uniquement. Il ne doit pas être pris à la légère, car il peut avoir des conséquences irréversibles sur la vue et même rendre l’animal aveugle.
Comment le glaucome se manifeste-t-il chez le chat ? Quelles sont les causes de cette maladie ? Existe-t-il des traitements contre le glaucome, voire un moyen de prévenir son apparition chez le chat ?
Le glaucome est une pathologie qui augmente progressivement la tension oculaire, c’est-à-dire la pression à l’intérieur de l’oeil. Il peut affecter un seul œil ou les deux, et entraîne à terme une dégénérescence du nerf optique ainsi que de la cornée.
Cette maladie existe aussi bien chez le chat que chez d’autres animaux, comme le chien ou l’Homme. Elle n’est cependant pas contagieuse, que ce soit au sein d’une même espèce ou d’une espèce à l’autre.
Par ailleurs, le glaucome félin est beaucoup plus rare que le canin ou l’humain. En effet, dans l’édition 2007 de son ouvrage de référence Veterinary Ophtamology, le chercheur Kirk Gelatt indique que seuls 0,3 à 0,9% des chats seraient concernés, contre 1,7% des chiens et autant chez les Hommes.
L’œil produit naturellement un fluide intraoculaire que l’on appelle humeur aqueuse. Ce fluide a pour fonction de le lubrifier et de le protéger : sans lui, l'oeil serait très vulnérable aux impuretés et aux micro-organismes, qui provoqueraient de nombreuses irritations et lésions. Il contribue aussi à maintenir la pression intra-oculaire et la forme de l’œil.
Dans un œil sain, il existe un système circulatoire assurant l'hydratation et le drainage de l'humeur aqueuse : le fluide en excès est expulsé par la pupille, avant d'être redirigé vers les canaux de drainage puis la circulation sanguine afin d’être évacué.
Mais dans certains cas, les conduits de drainage sont obstrués partiellement ou totalement. Le liquide ne pouvant être évacué correctement, il s’accumule dans l'oeil et fait augmenter la pression intra-oculaire, avec toutes les conséquences que cela engendre (notamment sur la vision). C’est ce phénomène que l’on appelle le glaucome.
Il existe trois types de glaucomes chez le chat, en fonction de la cause sous-jacente :
Chez le chat, c'est la forme secondaire qui est responsable de la quasi-totalité des cas de glaucomes. Les deux autres formes sont quant à elles beaucoup plus rares.
Relativement rare chez le chat, le glaucome congénital est présent dès la naissance, comme son nom l’indique. Les signes cliniques apparaissent à l’âge de 3 à 6 mois, et peuvent affecter un seul œil ou les deux.
Selon une étude de 2016 intitulée « A Mutation in LTBP2 Causes Congenital Glaucoma in Domestic Cats » et parue dans la revue scientifique PLOS One, il serait dû à une mutation génétique.
Il peut être héréditaire (il faut alors que les deux parents soient porteurs de l’anomalie), mais aussi survenir en l’absence d’antécédents familiaux, la mutation génétique se produisant alors pendant la gestation.
Le glaucome primaire est lui aussi génétique, et uniquement héréditaire.
Les symptômes apparaissent de façon brutale à partir de l’âge de 5 ans en moyenne. La maladie affecte nécessairement les deux yeux, mais pas forcément en même temps : le cas échéant, le deuxième œil atteint peut être affecté jusqu'à 6 à 12 mois après le premier.
Le glaucome primaire est lui aussi rare chez le chat, mais une prédisposition génétique existe chez certaines races comme le Siamois, le Persan et le Birman.
Le glaucome secondaire est le type de glaucome félin le plus fréquent, puisqu’il représenterait environ 95% des cas. À titre de comparaison, il ne concernerait qu’un cas sur deux en moyenne chez le chien.
Il résulte généralement d’une maladie oculaire déjà existante qui perturbe la circulation et l'évacuation de l'humeur aqueuse, telle que :
En dehors du cas d’une maladie préexistante, le vieillissement est également une cause majeure d’apparition du glaucome secondaire ; d’ailleurs, cette affection touche essentiellement les chats âgés.
Le glaucome peut évoluer très vite dans le cas d'une forme primaire ou congénitale, ou au contraire assez lentement dans le cas d'une forme secondaire.
Les symptômes classiques du glaucome chez le chat sont classiquement :
Les premiers symptômes du glaucome sont donc peu spécifiques et ressemblent à ceux d’autres maladies, comme la conjonctivite, la cataracte ou encore la sclérose nucléaire. C’est d’ailleurs ce qui le rend difficile à reconnaître et à identifier.
Dans la phase avancée, les symptômes du glaucome sont beaucoup plus alarmants : on constate ainsi une fermeture des paupières, des larmoiements, une rougeur de l’œil ainsi qu’un reflet flou et/ou bleuté sur la cornée. La maladie est très douloureuse et fait beaucoup souffrir le chat atteint.
La vue est quant à elle très dégradée, voire n'est plus possible : le chat est alors aveugle de l'oeil concerné par le glaucome. Cette cécité peut apparaître très vite dans le cas d'une forme primaire ou congénitale (en seulement quelques semaines voire quelques jours) comme elle peut être beaucoup plus lente et mettre plusieurs années à se mettre en place dans le cas d'un glaucome secondaire.
Le glaucome a aussi un impact sur le comportement, puisqu’il entraîne une perte d’appétit, un refus des contacts sur la tête ou près des yeux, une désorientation, ou encore un évitement des membres habituels du foyer et des autres animaux, par peur de se cogner et de se blesser à cause de sa vue défaillante. Cette même peur est même susceptible de conduire l'animal à limiter tous ses déplacements quels qu’ils soient.
Dès les premiers signes de glaucome ou en cas d’aspect inhabituel de l’œil, il est conseillé de se rendre aussitôt chez un vétérinaire. En effet, si le diagnostic est posé rapidement, il est possible de ralentir la maladie ou en tout cas soulager les douleurs du pauvre animal.
Le praticien observe l’aspect général des yeux du chat, ainsi que le fond du globe oculaire. Il peut aussi poser des questions au maître à propos du comportement de l’animal au sein du foyer : par exemple s’il se déplace avec fluidité ou s’il est au contraire plus hésitant et se cogne souvent contre les meubles.
S'il soupçonne effectivement un glaucome, il administre un anesthésiant au chat sous forme de collyre (c’est-à-dire un liquide que l’on verse sur la cornée), puis mesure la pression intra-oculaire à l’aide d’un petit appareil appelé tonomètre. C’est le moyen le plus efficace de diagnostiquer un glaucome et d’en déterminer la gravité. Toutefois, pour que la mesure soit fiable, elle doit nécessairement être réalisée dans des conditions particulières : le chat doit être immobile, la tête penchée en arrière et la paupière ouverte, ce qui explique que l’emploi d’un sédatif n’est pas optionnel.
Une échographie oculaire est parfois réalisée afin d’observer l’état de l’humeur vitrée (c’est-à-dire la partie blanche de l’œil) et d’examiner le flux de l’humeur aqueuse, qui est le liquide dont la bonne circulation maintient la pression intra-oculaire stable.
Une fois le diagnostic posé, le vétérinaire met en place un traitement pour le glaucome, afin selon les cas de stopper son évolution ou d'au moins ralentir sa progression.
Il existe trois types de traitements :
Dans certains cas, il est possible d'utiliser divers traitements afin de ralentir voire éviter l’apparition de lésions irréversibles consécutives au glaucome, en rétablissant rapidement une pression normale dans l’œil.
Ces soins sont à administrer durant toute la vie du chat pour ralentir la progression du glaucome du mieux possible : ils sont simplement revus et adaptés par le vétérinaire à intervalles réguliers en fonction de l’évolution des symptômes. Un suivi régulier est donc nécessaire, quel que soit le cas de figure.
Le traitement local du glaucome consiste en l’application immédiate et la prescription par le vétérinaire de collyres (des gouttes à verser dans l’œil) afin de réduire la pression intra-oculaire.
Dans le cas d'un glaucome primaire, les deux yeux sont toujours atteints, mais pas forcément en même temps. Si les symptômes ne se déclarent d’abord que sur un seul œil, le second est lui aussi traité afin de le garder en bon état le plus longtemps possible. Avec un traitement adapté, les symptômes du glaucome apparaissent en moyenne 2 ans plus tard que prévu sur le deuxième oeil, c’est-à-dire autour de 30 à 36 mois après les symptômes du premier, au lieu de 6 à 12 mois normalement.
Si les collyres ne suffisent pas, des comprimés à action hypotensive peuvent être ajoutés ; ils sont généralement à inclure dans la nourriture de l'animal.
Enfin, si le glaucome est très avancé, une hospitalisation est nécessaire afin de le traiter de manière drastique avec des perfusions, en plus des collyres et des médicaments.
Dès lors que le glaucome est douloureux pour le chat, des anti-inflammatoires ou des analgésiques sont également utilisés pour soulager la douleur et la sensibilité des yeux.
Bien entendu, si une maladie sous-jacente est diagnostiquée, son traitement doit également être inclus dans la stratégie thérapeutique. Toutefois, même si elle finit effectivement par être soignée, le glaucome lui ne disparaît pas forcément pour autant : son traitement doit alors être poursuivi.
Les médicaments destinés à traiter le glaucome présentent plusieurs inconvénients :
Une fois la pression oculaire stabilisée grâce aux médicaments hypotenseurs, il peut être nécessaire d’envisager une chirurgie afin de régler le problème. L’opération permet de stopper ou du moins de ralentir fortement l’évolution du glaucome en empêchant le liquide de s’accumuler dans l’œil.
Trois types d’interventions chirurgicales sont possibles, qui sont toutes réalisées sous anesthésie générale. La stratégie thérapeutique est définie en fonction des résultats de l’évaluation ophtalmologique et des réponses aux premiers traitements prodigués.
Dans de rares cas, l’opération peut entraîner des complications : hémorragie, infection ou encore diminution de la vision. Ce n’est donc pas une intervention anodine.
La destruction totale ou partielle des corps ciliaires permet de diminuer voire stopper la production de l’humeur aqueuse. Elle peut être effectuée :
Une injection de corticoïdes et de collyres sous la conjonctive permet de diminuer l’inflammation oculaire, et ainsi baisser la pression intra-oculaire. Elle est proposée dans le cas d’un glaucome secondaire consécutif à une uvéite.
Le placement d’un shunt de drainage consiste à implanter une valve dans les espaces de filtration afin de faciliter la circulation de l’humeur aqueuse et ainsi diminuer la tension interne de l’œil.
Même si la perte de la vision peut être retardée et la douleur en partie contenue grâce à un traitement médical et/ou chirurgical, le glaucome reste une maladie incurable : la vision du chat se dégrade souvent jusqu’à la cécité et entraîne à partir d’un certain stade des douleurs importantes, malgré les médicaments.
A ce moment-là, la vue est déjà fortement dégradée, ce qui peut conduire le vétérinaire à proposer une énucléation, c’est-à-dire le retrait chirurgical de l’œil atteint, afin de faire cesser les douleurs. La plupart des chats apprennent, avec le temps, à bien compenser leur œil manquant (voire la perte totale de la vue lorsque les deux yeux sont concernés) avec leurs sens restants.
À la suite de l’opération, la paupière est souvent cousue pour éviter les infections, mais il existe aussi des prothèses oculaires pour chat qui peuvent être utilisées pour des raisons esthétiques. Leur intérêt se situe uniquement du côté du maître, car pour l’animal cela ne change rien - à part peut-être la manière dont les humains le regardent.
Le traitement médical et chirurgical du glaucome est onéreux, puisqu’il représente au total souvent plusieurs milliers d’euros, ces dépenses s’étalant sur plusieurs années de soins.
Le traitement du glaucome secondaire est généralement couvert par l’assurance santé du chat si le maître a pensé à en souscrire une avant l’apparition de la maladie. En revanche, les maladies génétiques étant généralement exclues des contrats, le traitement du glaucome congénital et du glaucome primaire n’est souvent pas pris en charge par les mutuelles pour animaux.
Dans la mesure où le glaucome est une maladie incurable, mettre l’accent sur sa prévention est un excellent investissement dans tous les sens du terme.
Etant donné qu’il résulte souvent de complications de pathologies déjà existantes (glaucome secondaire), il est important de vérifier les yeux de son chat une moins une fois par semaine afin de déceler rapidement toute anomalie et de réagir sans attendre.
Une attention toute particulière doit être apportée aux chats âgés, qui sont les principaux concernés, ainsi qu’à ceux qui sont prédisposés génétiquement.
Par ailleurs, il est essentiel de fournir à son animal tout au long de sa vie une alimentation équilibrée et de qualité, afin qu’elle lui apporte tous les nutriments nécessaires à la santé de ses yeux.
Quant aux glaucomes primaires et congénitaux, leur caractère héréditaire implique qu’avant d’adopter un chat, il est préférable de se renseigner au sujet des éventuels antécédents médicaux de ses parents.
Cela étant, dans le cas de la forme congénitale, la mutation génétique à l’origine de la maladie peut apparaître spontanément pendant le développement prénatal du chaton, si bien qu’une absence d’antécédents familiaux ne garantit en aucun cas un risque zéro.
Quoi qu’il en soit, il convient de garder en tête que le glaucome ne se manifeste que discrètement à ses débuts, alors qu’il gagne à être pris en charge au plus tôt. Par conséquent, toute anomalie physique au niveau de l’œil ou changement de comportement pouvant résulter d’une baisse de vision doit faire l’objet d’une consultation immédiate chez un vétérinaire afin d’y voir plus clair.
Le glaucome étant un facteur important de cécité chez le chat, il est important d’être attentif à tout changement physique et/ou comportemental de son animal, afin de se tourner vers le vétérinaire au moindre doute. Si cette maladie est effectivement diagnostiquée, un traitement approprié est essentiel pour ralentir sa progression et stabiliser la pression intraoculaire.
Une fois que c’est le cas, une intervention chirurgicale sous anesthésie générale est souvent pratiquée afin de réduire considérablement les symptômes.
Il peut arriver toutefois un moment où la chose la plus raisonnable à faire est de soulager les douleurs de l’animal en lui retirant l’œil ou les yeux atteint(s). C’est d’autant plus une solution du moindre mal qu’un chat s’habitue beaucoup plus facilement qu’un humain à vivre avec un œil en moins, voire les deux.