Les superstitions sur les chats dans l’Europe du Moyen Âge

Peinture d'un chat passant devant un moine dans une ville médiévale
Une Gravure sur bois du 17ème siècle représentant trois sorcières et leurs animaux
Une Gravure sur bois du 17ème siècle représentant trois sorcières et leurs animaux

Aux débuts de la chrétienté, le chat était un animal très appréciés. En particulier, les gens voyaient dans la marque en M que de nombreux petits félins tigrés portent sur le front la première lettre du nom de Marie.

 

Cependant, dès les prémices du Moyen Âge, cette vision changea radicalement, et commença alors pour lui une période très sombre. Il devint en effet associé à une dimension surnaturelle reliée au diable et aux enfers.

 

En Irlande, un des premiers héros du christianisme et fondateur de nombreux monastères dans son pays, Saint Abban (mort en 520 de notre ère), se donnait pour mission de combattre les esprits démoniaques qui éloignaient les hommes de la religion chrétienne. Une légende raconte qu’alors qu’il se rendait dans la contrée de Mumonie, peuplée de païens, il y trouva une population terrorisée par une horrible créature qui massacrait les gens ainsi que le bétail. Cette bête était en fait un énorme chat de la taille d’un veau, avec de longues dents, des griffes acérées et une peau dure comme la pierre. Des flammes jaillissaient de certaines parties de son corps ; sa tête, sa queue et son souffle étaient constamment en feu. Saint Abban décida d’aller combattre le monstre diabolique. À la vue du saint, l’animal vint se prosterner à ses pieds et arrêta de terrifier la population pour toujours. Autrement dit, la foi chrétienne fut plus forte que l’esprit démoniaque. Cette histoire fut l’une des légendes fondatrices à l’origine de la mauvaise image du chat au Moyen Âge.

 

La mauvaise réputation du petit félin ne fit qu’empirer par la suite. En 1233, une bulle du pape Grégoire IX alla même jusqu’à proclamer que le chat était un serviteur du diable. À une époque où l’Église catholique exerçait une importante mainmise sur la vie quotidienne et sur les esprits, et où les superstitions faisaient partie du quotidien, cette déclaration eut un important retentissement dans toute l’Europe. Il faut dire que pour les théologiens de l’époque, le chat avait tout d’une créature démoniaque : la paresse, la luxure (du fait de son appétit sexuel), la faculté à voir dans la nuit et le fait de vivre en partie la nuit.

 

Dès les débuts de l’Inquisition, au 13ème siècle, les chats en furent donc victimes en masse, notamment dans le cadre de la chasse aux sorcières : ils étaient d’ailleurs omniprésents dans les procès pour sorcellerie – en particulier ceux de couleur noire. Les populations croyaient qu’ils prenaient possession de l’âme des hommes et les détournaient de Dieu.

 

Illustration d'un chat chassant les souris dans un manuscrit religieux
Illustration d'un chat chassant les souris dans un manuscrit religieux

En Suède, une croyance très répandue entre le 12ème et le 15ème siècle était que le diable donnait en cadeau aux sorcières un chat et un corbeau blanc. Ces derniers rentraient dans les maisons et les étables pour voler de la nourriture, permettant à leur maîtresse de s’alimenter sans effort.

 

Plus largement, dans toute l’Europe chrétienne, le chat fut donc considéré jusqu’au 15ème siècle comme un suppôt de Satan et chassé par l’Inquisition, au même titre que les sorcières. De très nombreux chats furent massacrés, et en particulier ceux au pelage noir – à l’exception notable de ceux d’entre eux qui présentaient une marque blanche sur le poitrail, appelée « doigt de Dieu ». Les personnes qui les possédaient un chat, quelle que soit sa couleur, pouvaient également mourir brûlées vives. Des petits félins furent d’ailleurs mis au bûcher avec leurs maîtresses accusées de magie noire.

 

Il fallut attendre le 15ème siècle pour que les superstitions sur les chats reculent fortement, notamment lorsqu’on réalisa à quel point leurs talents de chasseurs de rats pouvaient être utiles pour lutter contre les épidémies comme la peste. Plus tard, les philosophes des Lumières ne se privèrent pas pour tourner en dérision les superstitions religieuses liées au caractère démoniaque du chat. Eux faisaient au contraire la part belle à la science, l’opposant à la superstition, et tentaient d’expliquer le monde uniquement grâce à elle, sans se référer à la religion. À partir du moment où tout devait être explicable rationnellement, le chat perdait la nature magique qu’on lui prêtait au cours des siècles précédents.


Pour autant, les mentalités ne changent pas en un claquement de doigts. Au 19ème siècle, une grande partie des croyances associées à la nature satanique du petit félin perduraient dans toute l’Europe. Encore aujourd’hui, même si elles se heurtent aux progrès de la science et à l’idéologie rationaliste, certaines superstitions restent vivaces.

Dernière modification : 07/29/2022.