Comment le chat Cutta Cutta a révolutionné la mécanique des fluides

12/11/2010

Un beau matin, alors qu'il était en train de prendre son petit déjeuner, Roman Stocker jette un coup d'oeil sur son chat, Cutta Cutta, lui-même en train de boire. Ce professeur au MIT (Cambridge), spécialiste des bactéries marines, reste fasciné par la virtuosité avec laquelle son compagnon félin lape dans son bol. Il tombe à genoux pour mieux observer.
C'était il y a trois ans. Cette semaine, le professeur publie un magnifique article scientifique dans la revue Science décrivant le phénomène physique permettant à son chat - et à tous les félins - de boire avec une telle élégance et une telle efficacité. Un vrai défi à la pesanteur.

Pour mieux observer le phénomène, Stocker installa une caméra à haute vitesse devant le bol de son chat
© 4X5 Col-Devaney/Superstock/SIPA

Pour mieux observer le phénomène, Stocker installa une caméra à haute vitesse devant le bol de son chat. Le ralenti lui permit de constater comment la langue de Cutta Cutta adopte une forme en J pour que seule la partie supérieure entre en contact avec la surface du liquide, eau ou lait. Ensuite, l'animal rétracte rapidement sa langue, ce qui a pour effet de tirer vers le haut une mince colonne de liquide par inertie, tandis que la gravité, elle, pousse cette même colonne à retomber. Le chat ferme la bouche à l'instant précis où l'inertie et la gravité s'annulent. Il peut alors avaler quelques gouttes du précieux liquide. Dans l'affaire, les poils qui rendent la langue râpeuse ne jouent aucun rôle. Diplômé en mécanique des fluides après quelques millions d'années d'évolution, Cutta Cutta parvient ainsi à boire en faisant faire à sa langue quatre aller-retour par seconde.

Modèle mathématique

Stocker et ses collègues ont fini par établir un modèle mathématique décrivant parfaitement ce délicat équilibre entre l'inertie et la gravité du chat en train de boire. Par la suite, ils sont allés le tester au zoo le plus proche avec les félins de plus forte carrure et avec de plus grosses langues tels lions et tigres. Ceux-ci, pas vraiment au courant de l'importance de l'expérience, ont commencé par bousiller l'appareillage électronique. Mais après avoir compris combien la science comptait sur eux, ils se sont mis au boulot. Les chercheurs ont pu vérifier que leur modèle mathématique tenait parfaitement la route. Encore une fois, la colonne de liquide s'est formée, mais cette fois, avec une vitesse de langue moins rapide puisqu'elle est bien plus grosse chez ces gros cousins du chat.

Voilà comment la science avance parfois. Au hasard des observations. Newton avait été assommé par une pomme, Stocker a été fasciné par son chat. Et moi, je commence à me demander si le fait que ma femme me traite continuellement de fainéant à la maison ne cache pas une vérité scientifique. Je vais passer un coup de fil à l'Académie des sciences...