Nelson, Mickey et Jock, les chats de Winston Churchill

Une photo en noir et blanc de Churchill entouré de ses proches et avec son chat sur les genoux

Davantage associé à la gent canine, notamment en raison de son visage tombant qui n’est pas sans rappeler celui du Bouledogue Anglais, Winston Churchill (1874-1965) aimait pourtant aussi beaucoup les chats. Il en posséda plusieurs et s’ils avaient pu parler, certains auraient sans doute pu révéler de véritables secrets d’État. 


Tel était le cas en particulier de Nelson, un gros chat de gouttière noir qui vécut avec son illustre maître pendant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). Il y officiait en tant que Chief Mouser of the Cabinet Office (« souricier en chef du cabinet ») du 10 Downing Street , c’est-à-dire en tant que principal chasseur de rongeurs de la résidence du chef du gouvernement britannique. 


Son statut lui permettait ainsi d’entrer dans n’importe quelle pièce du bâtiment, y compris les salles de réunion. Des témoins de l’époque rapportèrent d’ailleurs qu’il venait souvent y faire la sieste durant des discussions militaires et politiques confidentielles. Il aimait tout particulièrement se loger sur les genoux de son maître pendant les conseils de guerre, faisant en quelque sorte office de « bouilloire » à une époque où il fallait limiter la consommation d’électricité et de charbon. Winston Churchill déclara d’ailleurs un jour en plaisantant que Nelson avait fait son devoir pendant la guerre, puisqu’il avait fait économiser de l’énergie. 


Le petit félin avait été baptisé ainsi en référence à Horatio Nelson (1758-1805), vice-amiral britannique et héros de guerre bien connu de ses concitoyens pour s’être imposé face à Napoléon 1er (1769-1821) durant les campagnes napoléoniennes. Churchill choisit ce nom après avoir vu son chat pourchasser et faire fuir un chien : il se dit alors que le courage de ce petit animal était digne de celui qui avait contribué à faire la réputation du héros de guerre britannique. 


Ses chats n’eurent cependant pas toujours le beau rôle. Comme le rapporte l’historien américain William Manchester (1922-2004) dans sa biographie intitulée The last Lion (non traduite en français) et publiée en 1983, l’un d’entre eux, Mickey, déclencha presque un incident au sein du gouvernement britannique.


Un jour, alors que son maître était au téléphone avec le lord Chancelier (un grand officier d’État du Royaume-Uni), le gros chat tigré commença à donner des coups de patte dans le fil du combiné. Agacé, Winston Churchill se mit à crier « Get off the line, you fool! » (« Laisse ce fil tranquille, espèce d’idiot ! ») à son attention.


Il réalisa toutefois rapidement le risque de malentendu, étant donné que cette phrase peut aussi signifier « Raccroche ce téléphone, espèce d’idiot ! ». Il précisa donc aussitôt à son interlocuteur, sans doute surpris, que ces propos ne lui étaient pas destinés.


Une fois la conversation achevée, il regretta manifestement de s’être emporté, puisqu’il présenta des excuses à son chat. Le lendemain, il déclara à son valet : « mon Mickey est venu me voir ce matin. Tout est pardonné ».


Churchill eut des chats jusqu’à la fin de sa vie. Le dernier fut un petit félin roux et blanc qu’il reçut en cadeau en 1962, à l’occasion de ses 88 ans. Il le baptisa Jock en référence à la personne qui le lui avait offert, son secrétaire privé adjoint Jock Colville (1915-1987). 


Les deux devinrent très vite inséparables. L’ancien homme d’État refusait, dit-on, de commencer son dîner avant que Jock ne vienne le rejoindre dans la salle à manger. Il l’emmenait aussi parfois avec lui lorsqu’il était amené à se déplacer. Une célèbre anecdote veut d’ailleurs qu’il en fit ainsi au mariage de son petit-fils. 


Lorsque Churchill mourut en 1965, sa veuve Clementine Churchill (1885-1977) céda leur maison, le manoir de Chartwell, au National Trust, une organisation à but non lucratif qui œuvre pour la conservation du patrimoine britannique. Dès 1966, ce dernier en fit un monument national ouvert au public, mais Jock y demeura jusqu’à son propre décès en 1975. 


Toutefois, Clementine exigea que la demeure soit toujours habitée par un chat roux : aujourd’hui encore, un tel animal occupe donc les lieux, et les visiteurs peuvent avoir la chance de le croiser. Même s’ils n’ont aucun lien de parenté entre eux, tous les félins qui se succèdent ainsi au manoir portent le nom de Jock, en l’honneur du dernier chat du Vieux Lion.