La domestication du chat remontant à plus de 10.000 ans, cela fait bien longtemps que les représentants de la gent féline vivent en symbiose avec les humains. Forcément, cela amena certains d’entre eux à être témoins d’événements historiques majeurs, voire à en être au cœur. La plupart restèrent inconnus, mais d’autres en revanche passèrent à la postérité – parfois d’ailleurs parce qu’ils y jouèrent eux-mêmes un rôle.
Voici une présentation de 10 d’entre eux, précédée d’une courte introduction sur la présence de chats au cœur de l’Histoire.
Les chats ont beau partager la vie des humains depuis plus de dix millénaires, ils furent pendant très longtemps (et restent dans une certaine mesure) des animaux si mystérieux qu’on leur donna une importance historique et culturelle parfois démesurée, en raison des croyances positives ou négatives à leur sujet.
Dans l’Égypte antique, ils étaient considérés comme protecteurs des champs et des foyers, et jouaient ainsi un rôle important dans l’économie. Dans leur livre The Domestic Cat: The Biology of its Behaviour (non traduit en français), publié en 2013 et consacré à l’évolution du comportement des chats, les biologistes américains Dennis C. Turner et britannique Patrick Bateson vont même jusqu’à émettre l’hypothèse qu’ils jouissaient d’un statut similaire à celui des vaches en Inde aujourd’hui.
Quoi qu’il en soit, à partir de la troisième période intermédiaire (vers 1069 à 664 avant J.-C.), on commença à remplacer la tête de lionne de Bastet, la déesse protectrice de la Basse-Égypte (qui correspond au nord de l’Égypte actuelle), par celle d’un chat. Il se développa à cette époque dans le pays une telle passion pour les chats que, lorsque Bastet prit les traits cet animal, on finit par le mettre à l’honneur lors du festival biannuel dédié à cette divinité, organisé à Bubastis (Zagazig aujourd’hui) et qui pouvait attirer jusqu’à 700.000 visiteurs.
Le chat occupa également une place importante dans l’histoire et la culture d’autres civilisations, mais pas toujours de manière positive. Par exemple, dans l’Europe médiévale, l’Église catholique affirmait que les gens qui pratiquaient des rituels sataniques ou la sorcellerie avaient souvent un chat. La présence de cet animal dans le foyer de certaines personnes soupçonnées de tels actes aida à les conduire vers le bûcher lors de ce qu’on appelle « la chasse aux sorcières », qui s’étala des années 1430 aux années 1630 et fit de 30.000 à 60.000 victimes.
Certains médiévistes pensent par ailleurs que les chats jouèrent un rôle dans la propagation de la peste noire, qui ravagea l’Europe au milieu du 14ème siècle. C’est la thèse avancée notamment par le canado-américain Norman Cantor (1929-2004) dans un livre intitulé In the Wake of the Plague: The Black Death and the World it Made (non traduit en français) et publié en 2001. Il y explique que cette affection était causée par la bactérie Yersinia pestis, propagée par les rongeurs. En les chassant, les petits félins se retrouvaient à leur tour contaminés et devenaient donc eux-mêmes des vecteurs de transmission. Il est avéré toutefois qu’ils ne jouèrent pas un rôle aussi important dans sa diffusion que les mouches.
Si les chats furent au cœur de l’Histoire en toutes sortes d’occasions, c’est non seulement en raison de croyances qui leur étaient associées, mais aussi notamment parce qu’ils surent conquérir le cœur de nombreux dirigeants et autres figures politiques majeures.
On sait par exemple qu’ils étaient très convoités à la cour impériale de Chine, notamment sous la dynastie Song (960-1279). Excellent peintre et grand défenseur des arts, l’empereur Huizong (1082-1135) les appréciait tout particulièrement, et plusieurs portraits de chats ainsi que des poèmes en leur honneur lui sont attribués.
La gent féline, et plus particulièrement le Bobtail Japonais, jouissait également d’une grande popularité à la cour impériale du Japon de l’époque. L’empereur Ichijō (980-1011) alla même jusqu’à traiter sa chatte Myōbu No Omoto comme une véritable princesse, ordonnant à plusieurs dames de la cour de satisfaire ses moindres désirs.
En Occident, notamment en raison des croyances négatives qui lui étaient associées auparavant, il faut attendre les Temps modernes (soit environ du 16ème siècle au 18ème siècle) pour trouver des figures politiques importantes connues pour avoir possédé un chat. Parmi les plus remarquables se trouvent le cardinal de Richelieu (1585-1642), le roi de France Louis XV (1710-1774) et le pape Léon XII (1760-1829).
À partir du 20ème siècle, la présence de petits félins aux côtés de tels personnages devint nettement plus courante. On en retrouva ainsi notamment chez le premier dirigeant de l’URSS, Vladimir Lénine (1874-1924), le Premier ministre britannique Winston Churchill (1874-1965), ou encore le général Charles de Gaulle (1890-1970), qui furent ainsi témoins d’événements historiques majeurs.
Certains chats entrèrent dans l’Histoire tout simplement parce qu’ils se trouvèrent au mauvais endroit au mauvais moment : un champ de bataille, un navire dont le naufrage marqua les esprits, un lieu touché par un attentat...
Certes, contrairement à ce qu’on observe avec les chiens de guerre, les petits félins n’étaient généralement pas employés directement dans des opérations militaires : ils servaient plutôt pour protéger les rations contre les rongeurs, voire comme mascotte pour remonter le moral des troupes. Il y eut toutefois quelques exceptions, à l’image par exemple de Mourka : ce banal chat errant fut utilisé par les troupes soviétiques comme messager durant la sanglante bataille de Stalingrad, de juillet 1942 à février 1943.
Le talent des chats pour chasser les rats et autres rongeurs était également d’une grande utilité pour les marins jusqu’au 20ème siècle, et explique qu’il était très courant d’en trouver à bord des navires. Par la force des choses, certains d’entre eux vécurent donc aux premières loges quelques-uns des événements les plus marquants de l’histoire maritime. Ce fut notamment le cas de Jenny, qui était a priori la seule chatte à bord du célèbre Titanic lors de son naufrage en 1912, et sombra vraisemblablement avec lui.
Un autre exemple célèbre est celui de Mrs. Chippy, un chat errant qui en 1914 eut la malchance de se faire embarquer comme souricier sur l’Endurance par l’équipage du célèbre explorateur anglo-irlandais Ernest Shackelton (1874-1922), alors qu’il s’apprêtait à partir pour la quatrième grande expédition britannique en Antarctique. Mrs. Chippy ne revint pas vivant de cette aventure durant laquelle le navire sombra et l’équipage se retrouva livré à lui-même pendant 22 mois, avant d’être finalement secouru.
Nombreux furent également les chats impactés par des attentats et autres catastrophes ayant marqué l’Histoire. C’est par exemple ce qu’il advint à Precious, une femelle Himalayen qui habitait non loin du World Trade Center et fut blessée par des débris lors de l’effondrement des célèbres tours jumelles de New York le 11 septembre 2001. Alors que ses propriétaires la pensaient perdue ou morte, elle fut retrouvée 18 jours plus tard sur le toit de son immeuble, affamée et malade mais vivante.
Au 21ème siècle, l’opinion publique est de moins en moins indifférente face au sort des chats et des autres animaux affectés par des événements historiques, comme on le vit par exemple à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022.
Ainsi, des associations de protection des animaux interviennent alors pour aider de diverses manières : soigner ceux qui sont blessés, prendre en charge ceux qui sont séparés de leur propriétaire et tâcher de les réunir avec ce dernier, aider les personnes qui ont pris la fuite accompagnées de leur animal, etc. Les campagnes de soutien financier qu’elles organisent afin de disposer des moyens d’agir rencontrent souvent un vrai succès auprès du grand public, confirmant que l’empathie ne se limite désormais plus aux victimes humaines, mais englobe aussi les animaux.
Par ailleurs, les histoires de chats (ou de représentants d’autres espèces) parvenant à survivre à des événements tragiques sont aussi davantage médiatisées, en particulier via Internet et les réseaux sociaux.