Les statues dites d’Elisey et Vasilisa sont deux sculptures en bronze de chats situées dans le centre historique de Saint-Pétersbourg (anciennement Leningrad), rue Malaya Sadovaya, à quelques mètres de la perspective Nevski. Elles furent conçues comme un hommage aux chats qui jouèrent un rôle déterminant lors du siège de la ville entre 1941 et 1944.
Ce dernier fut l’un des plus longs de l’histoire, et compte parmi les événements les plus tragiques de la Seconde Guerre mondiale. Les forces allemandes et finlandaises encerclèrent en effet la cité pendant 872 jours, bloquant presque toutes les voies d’approvisionnement. Les bombardements, la famine et les conditions extrêmes causèrent la mort de plus de 800.000 personnes.
Ce que l’on sait moins, c’est que choses auraient pu être encore pire sans l’intervention de chats.
En effet, dans un premier temps, la population féline de la ville fut presque entièrement décimée : les chats étaient consommés par les habitants affamés, quand ils n’étaient pas eux-mêmes morts de faim avant. Cela entraîna une prolifération massive de rats, qui aggrava encore la situation en détruisant les maigres réserves de nourriture et en propageant des maladies.
Toutefois, après la levée partielle du blocus en 1943, plus de 5.000 petits félins furent acheminés à Leningrad depuis la Sibérie et l’oblast de Iaroslavl. Surnommés les « petits soldats », ils jouèrent un rôle décisif pour empêcher une catastrophe sanitaire et alimentaire totale en éliminant les rats. Ils contribuèrent aussi à protéger des rongeurs les précieuses collections d’œuvres d’art du musée de l’Ermitage, en remplaçant les chats décimés du Palais d’Hiver (où celui-ci se trouve).
Une première statue rendant hommage aux chats du siège de Leningrad fut inaugurée le 25 janvier 2000 et installée au deuxième étage du bâtiment 8 de la Malaya Sadovaya. Elle est en bronze à patine brune et baptisée Elisey, nom masculin souvent associé à des personnages folkloriques ou littéraires dans des récits russes où les chats sont présentés comme sages et rusés. Elle représente de façon réaliste et en taille réelle un chat assez rond, assis et ayant la tête légèrement penchée, comme pour regarder les passants.
La statue de sa compagne imaginaire Vasilisa fut quand elle installée quelques mois plus tard, le 1er avril de la même année, sur le bâtiment 3 de la même rue – soit en face. Fondue dans un bronze à patine dorée et légèrement plus stylisée, elle représente une chatte debout dans une posture gracieuse, la queue relevée, regardant Elisey comme si elle s’apprêtait à le rejoindre. Son nom est fréquemment attribué dans les contes russes à des femmes gracieuses, intelligentes et résilientes.
Décrit comme un projet artistique local, cet hommage au rôle déterminant que jouèrent les chats lors du siège de Leningrad fut financé par un entrepreneur nommé Ilia Botka et est l’œuvre du sculpteur russe Vladimir Petrovitchev (né en 1953). On doit également à ce dernier une autre statue de chat, intitulée Tishina Matroskina et installée dans une autre rue de Saint-Pétersbourg le 8 juin 2005. Cette date ne fut pas choisie au hasard : c’est celle qui fut retenue pour la première « journée des chats de Saint-Pétersbourg », un événement qui depuis se répète tous les 8 juin et vise à célébrer les petits félins de la ville ainsi que l’amour que ses habitants leur portent.
Quant à Elisey et Vasilisa, ils ont indéniablement acquis une image positive dans l’esprit de ces derniers. En effet, une tradition veut désormais que l’on fasse un vœu avant de jeter une pièce de monnaie vers l’un des piédestaux sur lesquels ils reposent. Si la pièce reste dessus sans retomber, le vœu est exaucé. Cette croyance est particulièrement populaire auprès des étudiants, qui espèrent ainsi s’assurer chance et réussite aux examens. Cela dit, en plus des locaux, certains touristes n’hésitent pas à tenter leur chance, si bien que le sol devant les statues est souvent jonché de pièces de monnaie.
Pour finir, on peut souligner qu’il existe d’autres œuvres du même genre rendant hommage au rôle important que jouèrent les petits félins par le passé pour préserver des stocks alimentaires. C’est le cas notamment de la statue du chat Towser dans la distillerie de whisky Glenturret, en Écosse.