La statue de Mrs Chippy, chat explorateur de l’Antarctique (Wellington, Nouvelle-Zélande)

La statue de Mrs Chippy sur la tombe d'Harry McNish, à Wellington (Nouvelle-Zélande)

Mrs. Chippy était un chat tigré mâle appartenant à Harry (dit « Chippy ») McNish, le charpentier écossais de l’expédition britannique en Antarctique portant le nom du navire Endurance, menée par l’anglo-irlandais Ernest Shackleton (1874-1922), et qui dura de 1914 à 1917. L’objectif était de traverser le continent via le pôle : même si elle fut un échec, elle demeure célèbre pour les conditions incroyables de survie et de secours de ses participants. 


On sait peu de choses sur l’histoire du petit félin avant l’expédition, mais il est probable qu’il ait été adopté par McNish avant le départ de l’Endurance depuis le port anglais de Plymouth, en août 1914. 


Quoi qu’il en soit, il fut espièglement baptisé « Mrs. Chippy » par l’équipage, sans doute en référence à l’affection que son propriétaire portait à ce chat qui le suivait partout, et sans doute aussi en référence au surnom de McNish, « Chippy », terme familier souvent employé pour désigner un charpentier et dérivé du mot « chips » (« copeaux de bois »). Ce nom est d’ailleurs de nature à induire en erreur, car ce chat était en réalité un mâle.


Quoi qu’il en soit, il ne tarda pas à gagner le cœur de l’équipage par son comportement amical et audacieux ainsi que son agilité. D’après les journaux de bord de l’expédition, il impressionnait les marins par sa capacité à grimper dans les gréements du navire avec une souplesse remarquable ainsi qu’à se promener sur le pont même par mauvais temps. Tout cela ne tarda pas à faire de lui un membre de l’équipage à part entière.


De manière plus classique, il était aussi apprécié tout simplement pour ses talents de chasseur, tâche alors essentielle dans les bateaux pour protéger les stocks de nourriture contre les rongeurs.


En outre, il était un compagnon de tous les instants pour son propriétaire, sur les épaules duquel il était souvent perché – quand il ne dormait pas carrément avec lui dans sa couchette.


Alors que les expéditions polaires signifiaient des mois d’isolement dans des conditions extrêmes et face à des dangers constants, la présence de Mrs Chippy à bord apportait aux hommes du bateau légèreté, chaleur et distraction.


Son histoire prit toutefois un tournant tragique quand l’Endurance fut piégée par la banquise dans la mer de Weddell en janvier 1915, puis finit par couler écrasée par la glace en novembre de la même année. L’équipage passa alors d’abord plusieurs semaines dans un campement improvisé, puis Shackleton estima qu’il fallait se lancer dans une longue et éprouvante marche vers l’ouest en transportant les canots de sauvetage à travers la banquise, en vue d’atteindre l’eau libre et de se tirer d’affaire. La veille du départ, soit le 29 octobre, il décréta afin d’optimiser leurs chances de survie l’abattage de plusieurs animaux jugés non essentiels – dont Mrs Chippy.


Profondément affecté, McNish, déjà en désaccord avec le capitaine sur certains points, vécut cette décision comme une attaque personnelle. C’est ainsi que les relations entre les deux hommes se dégradèrent rapidement, ce qui explique sans doute que Shackleton n’ait pas recommandé McNish pour la Médaille polaire, distinction qui fut pourtant remise à l’immense majorité des membres de l’équipage.


L’histoire de Mrs Chippy aurait pu être oubliée, mais elle fut remise sur le devant de la scène dans les années 90 suite à un regain d’intérêt pour l’expédition Endurance et à la reconnaissance tardive du rôle clef joué par Henry McNish dans la survie de l’équipage. En effet, bien que ces faits aient été minimisés dans les récits de l’époque, ses talents de charpentier se révélèrent déterminants, notamment pour renforcer les canots qui avaient été récupérés sur le navire en train de sombrer, et ainsi permettre par la suite le sauvetage des membres de l’expédition.


En hommage à McNish et à son chat, la New Zealand Antarctic Society décida de lancer une souscription publique pour fabriquer une statue à la mémoire de Mrs Chippy et l’installer sur la tombe de son propriétaire, dans le cimetière de Karori à Wellington – ville où il termina sa vie dans la misère et la pauvreté.


Inaugurée en 2004 et attirant à la fois les amateurs d’histoire polaire et de chats, celle-ci est une œuvre du sculpteur néo-zélandais Chris Elliott. Elle représente le petit félin allongé sur le côté, l’air paisible, comme s’il reposait sur la couchette de son propriétaire.


Conçue pour rendre hommage au charpentier, à son compagnon et au lien indéfectible qui les unissait, elle contribue aussi à réhabiliter la mémoire de McNish, longtemps éclipsé par la figure héroïque de Shackleton.


Son petit-fils Tom McNish déclara même à la BBC que son grand-père aurait sûrement été ravi de cette initiative, pensant que « ce chat était plus important pour lui que la Médaille polaire ».


On peut souligner pour finir que cet hommage à Mrs Chippy n’est pas sans rappeler la statue de Trim, le chat du célèbre explorateur britannique Matthew Flinders, qui fut membre de l’équipage de la première navigation tout autour de l’Australie et dont on peut admirer une représentation en bronze à Sydney.

Dernière modification : 11/14/2025.

Sommaire de l'article

  1. Page 1 : La place du chat dans la sculpture au fil des siècles
  2. Page 2 : La statue de la chatte de la via della gatta à Rome (Italie)
  3. Page 3 : Le temple des statues de chats maneki neko à Tokyo (Japon)
  4. Page 4 : La statue du Chat botté à Paris (France)
  5. Page 5 : Les statues de la Maison du chat à Riga (Lettonie)
  6. Page 6 : La statue du chat légendaire de Dick Whittington à Londres (Angleterre)
  7. Page 7 : Les statues de York, la « ville des chats » en Angleterre
  8. Page 8 : La statue des chats bagarreurs à Brunswick (Allemagne)
  9. Page 9 : La statue de Towser, le chat champion d’élimination de souris de la distillerie Glenturret (Crieff, Écosse)
  10. Page 10 : La statue du Gros Chat (El Gato) à Barcelone (Espagne)
  11. Page 11 : Les statues de Kuching, la « ville des chats » de Malaisie
  12. Page 12 : Les statues de La Romieu, le « village des chats » (France)
  13. Page 13 : La statue de Trim, premier chat à avoir fait le tour de l’Australie (Sydney, Australie)
  14. Page 14 : La statue du Chat de la rivière à Cali (Colombie)
  15. Page 15 : La statue de Hodge, le chat de l’homme de lettres Samuel Johnson (Londres, Angleterre)
  16. Page 16 : Les statues de chats décalées de Kensington Market (Toronto, Canada)
  17. Page 17 : La statue de Panteleimon, le chat chéri de la Porte d’Or à Kiev (Ukraine)
  18. Page 18 : La statue des chats Turcs de Van à Van (Turquie)
  19. Page 19 : Les statues d’Elisey et Vasilisa, les chats protecteurs du siège de Leningrad (Saint-Pétersbourg, Russie)
  20. Page 20 : La statue du chat expérimental à Saint-Pétersbourg (Russie)
  21. Page 21 : La statue de Mrs Chippy, chat explorateur de l’Antarctique (Wellington, Nouvelle-Zélande)
  22. Page 22 : La statue de chat coloré de Sliema (Malte)
  23. Page 23 : Les statues du chat Behemoth (Russie et Ukraine)
  24. Page 24 : La drôle de statue du chat Yoshkin kot à Iochkar-Ola (Russie)
  25. Page 25 : La statue du chat Hamish McHamish, mascotte de St Andrews (Écosse)
  26. Page 26 : La statue de Tombili, le chat le plus cool d’Istanbul (Turquie)
  27. Page 27 : La statue de la chatte Soledad et du chien Tristán, monument contre la maltraitance animale à Valence (Espagne)
  28. Page 28 : La statue de Ratty, premier chat à avoir bénéficié de deux grandes innovations médicales (Raleigh, États-Unis)
  29. Page 29 : La statue d’Umbriaga, le chat de Szczecin qui aimait l’eau (Pologne)
  30. Page 30 : La statue du Chat vert géant à Huai’an (Chine)
  31. Page 31 : Les statues futuristes des Ship’s Cat (Japon)

Discussions sur ce sujet

Chat cachée nouvelle adoption

Bonjour, Nous avait s adopter un chat hier à la SPA cependant depuis il reste cacher (cela fait bientôt 24h) i...

Poser une question

Vous aimez aussi les chiens ?