Célèbre tant auprès des locaux que des touristes et situé entre le Louvre et la place de la Concorde, le jardin parisien des Tuileries comporte un Monument à Charles Perrault, érigé en hommage au célèbre écrivain et conteur français (1628-1703). Celui-ci comporte notamment une statue d’un de ses personnages les plus célèbres : le Chat botté.
Ce dernier est inspiré d’une histoire folklorique relatée pour la première fois à l’écrit par l’auteur italien Giovanni Francesco Starapola (1480-1558), sur laquelle Perrault s’appuya pour écrire « Le Maître chat ou Le Chat botté », publié en 1697 dans son recueil Les Conte de ma mère l’Oye. On trouve d’ailleurs aussi dans ce dernier plusieurs autres histoires incontournables : « La Belle au bois dormant », « Cendrillon » ou encore « Le Petit Chaperon rouge ».
Dans « Le Chat botté », un jeune meunier, dernier né d’un défunt, hérite simplement d’un chat. Toutefois, il ne s’agit pas d’un petit félin comme les autres : doté de parole et d’une grande intelligence, il lui demande des bottes ainsi qu’un sac, lui promettant de transformer sa misérable existence.
Par la ruse, il piège un lapin et l’offre au roi en le présentant comme un cadeau de son maître, le « marquis de Carabas ». Il orchestre ensuite toute une série d’autres stratagèmes pour impressionner le monarque. Par exemple, il prétend que son maître s’est baigné dans une rivière mais que ses habits ont été volés, afin que le roi lui offre une tenue convenant à son rang. Il parvient aussi à convaincre des paysans de vanter les prétendues terres du marquis. Enfin, le Chat botté piège un ogre propriétaire d’un château, en le défiant de se transformer en une souris puis en dévorant cette dernière. Ainsi, le meunier obtient le château, épouse la fille du roi et devient riche, tout ça grâce à l’audace et à l’ingéniosité de son fidèle compagnon.
Symbole de ruse et de charme, le Chat botté est un personnage emblématique de l’ambition et la débrouillardise, et son histoire est devenue un classique intemporel. C’est d’ailleurs lui qui, parmi tous les personnages des contes de Perrault, a donc été choisi pour représenter son œuvre sur le monument érigé en son honneur au cœur de Paris.
Atteignant trois mètres de hauteur, l’œuvre est surmontée par un buste du conteur inspiré d’un portrait réalisé en 1694 par le graveur français Gérard Edelinck (1640-1707). Il est juché sur un haut piédestal à côté duquel se trouve une ronde de fillettes, qui symbolise la joie des contes, ainsi que le fameux personnage du Chat botté.
Élégamment vêtu d’une cape, d’un chapeau et bien sûr de ses bottes, le petit félin porte une proie à sa ceinture et arbore une pose sérieuse de gentilhomme. Malgré l’anthropomorphisme de sa silhouette habillée et dressée sur ses pattes arrière, son visage est étonnamment réaliste, en contraste donc avec sa pose qui elle a tout d’humain.
Entièrement réalisé en marbre blanc, le Monument à Charles Perrault fut sculpté entre 1903 et 1908 par l’artiste français Gabriel Edouard Baptiste Pech (1854-1930). Son travail fit suite à une commande passée en 1903 par l’État français à l’initiative de l’homme politique Jean Jaurès (1859-1914), alors vice-président de la Chambre des Députés et président du Parti Socialiste français.
Cette œuvre fut d’abord exposée en 1908 au Salon des artistes français, où elle remporta une médaille de première classe. Elle fut ensuite déplacée au Jardin des Tuileries.
Le choix de ce lieu n’est pas un hasard. En effet, après sa restructuration achevée en 1671 par le jardinier de Louis XIV (1638-1715) André le Nôtre (1613-1700), Perrault et l’homme d’État Jean-Baptiste Colbert (1619-1683) s’étaient disputés au sujet de son accès. En effet, ce dernier voulait le faire interdire au public, craignant que la foule ne l’abime. Dans ses mémoires, intitulées Mémoires de ma vie et parues en 1755 à titre posthume, Perrault lui attribue les propos suivants : « Allons aux Tuileries en condamner les portes. Il faut conserver ce jardin au Roi, et ne le pas laisser ruiner par le peuple, qui en moins de rien, l’aura gâté entièrement ». Alors commis des Bâtiments, l’écrivain s’opposa à cette idée, la jugeant « rude et fâcheuse pour tout Paris ». Il estimait que les Parisiens, y compris les plus modestes, respectaient l’endroit, auquel ils avaient jusqu’ici partiellement accès à des moments spécifiques, et que celui-ci constituait pour eux un lieu de rassemblement essentiel.
Au bout du compte, Colbert finit par se ranger aux arguments de Perrault. Il renonça donc à fermer le jardin des Tuileries au public, même s’il en limita l’accès aux « laquais, gens en haillons et soldats ».
Ainsi, grâce au conteur, Les Tuileries devinrent en 1667 le premier jardin royal en France - et l’un des premiers en Europe - à être ouvert au public, à l’exception toutefois de certaines catégories de personnes. Il n’est donc pas surprenant que le socialiste Jean Jaurès ait tenu à rendre hommage à Perrault, ainsi qu’à son malicieux Chat botté.
Ce dernier n’est d’ailleurs pas le seul chat célèbre de la littérature que l’on peut admirer à côté de son créateur. En effet, il existe en Russie et en Ukraine de nombreuses statues de Behemoth, le diabolique personnage félin du roman Le Maître et Marguerite, souvent représenté avec son auteur l’illustre écrivain russe puis soviétique Mikhaïl Boulgakov (1891-1940)