Les statues du chat Behemoth (Russie et Ukraine)

La statue du chat Béhémoth et de Koroviev, dans la cour du musée Boulgakov à Moscou

Tirant son nom d’un monstre biblique, Behemoth est sans doute le personnage le plus drôle, le plus marquant et le plus attachant de Le Maître et Marguerite, chef d’œuvre de l’écrivain russe puis soviétique Mikhail Boulgakov (1891-1940), publié à titre posthume en 1967 et souvent considéré comme le plus grand roman russophone du 20ème siècle.


Dans cette histoire, le diable (nommé Woland) débarque dans le Moscou soviétique des années 30 avec sa suite. Parmi les membres de cette dernière figure notamment Behemoth, énorme chat noir qui présente la particularité d’être doué de parole et de marcher sur deux pattes. Ce personnage permet parfois des réflexions profondes, mais son ressort est avant tout comique, dans la tradition des valets de la comedia dell’arte. À la fois malicieux et violent, il a un penchant prononcé pour la vodka, les bons repas et les armes à feu. Il aime en outre plaisanter, faire des farces et organiser d’amusantes machinations qui lui permettent de mettre en doute la moralité des Moscovites et de révéler les failles de la société soviétique.


Behemoth ayant profondément marqué la culture soviétique avec ses frasques chaotiques, il n’est pas étonnant qu’on ait souhaité le représenter et l’honorer en Russie.


C’est ainsi notamment qu’en 2011, pour célébrer le 120ème anniversaire de la naissance de l’écrivain, une sculpture en bronze de Behemoth et Koroviev (un autre personnage emblématique de la suite du diable Woland) fut érigée dans la cour du musée qui lui est consacré à Moscou. Cette œuvre du célèbre sculpteur russe Alexandre Ioulianovitch Rukavishnikov (né en 1950) représente les deux personnages en taille « réelle », tous deux vêtus d’un costume. 


Elle illustre plus précisément une des scènes les plus connues du roman, à savoir le moment où Behemoth et Koroviev préparent à manger dans l’appartement du bureaucrate Likhodeev, qu’ils ont en quelque sorte squatté. Behemoth tient à la main un Primus, petit réchaud à pétrole très courant à l’époque en URSS. Toutefois, ce dernier devient soudain incontrôlable : une flamme en jaillit et une explosion secoue le logement. Dans un chaos total et très kafkaïen, Behemoth se bat avec les flammes, riant et sautant dans tous les coins. Terrorisé par ces forces obscures qu’il ne peut comprendre, le petit bureaucrate s’enfuit. Il sera ensuite mystérieusement retrouvé à Yalta, à des centaines de kilomètres de Moscou.


En 2021, une autre statue en bronze représentant Behemoth fut érigée au premier étage de la résidence Boulgakov, lieu également situé dans la capitale et où résida l’écrivain en 1924. Œuvre du sculpteur russe Mikhaïl Baskakov, elle représente ce dernier en taille réelle, alors qu’il est assis sur la balustrade du balcon et caresse un énorme chat qui, pour sa part, a l’air d’être un petit félin tout à fait normal.


Par ailleurs, Boulgakov était né à Kiev, à une époque où cette ville était russe. Même s’il ne l’est pas autant qu’en Russie, il est également admiré en Ukraine, et il n’est donc pas surprenant que Behemoth soit honoré également dans ce pays.


On trouvait ainsi à Kiev une célèbre petite statue polychrome qui le représentait tenant dans une main un shot de vodka et dans l’autre une fourchette. Elle ornait la façade d’un restaurant proche de l’ancienne maison de l’auteur, mais fut volée en 2010.


Toujours en Ukraine, il existe aussi à Kharkiv une statue représentant Boulgakov en grandeur nature à côté de son personnage le plus populaire. Assis sur un banc, il est légèrement tourné sur le côté, tandis que Behemoth, représenté cette fois sans vêtement mais dans une posture anthropomorphe, assis « jambes » croisées, semble lui parler. Cette sculpture en bronze fut réalisée en 2012 par les étudiants et diplômés de l’école d’art Khudprom.


Ces représentations associant étroitement Behemoth et son illustre créateur rappellent notamment la statue du Chat botté à Paris, que l’on peut admirer aux côtés de celle de Charles Perrault dans le jardin des Tuileries. 

La statue de Boulgakov et du chat Béhémoth à Kharkiv, en Ukraine
La statue de Boulgakov et de Béhémoth à Kharkiv
Dernière modification : 11/14/2025.

Sommaire de l'article

  1. Page 1 : La place du chat dans la sculpture au fil des siècles
  2. Page 2 : La statue de la chatte de la via della gatta à Rome (Italie)
  3. Page 3 : Le temple des statues de chats maneki neko à Tokyo (Japon)
  4. Page 4 : La statue du Chat botté à Paris (France)
  5. Page 5 : Les statues de la Maison du chat à Riga (Lettonie)
  6. Page 6 : La statue du chat légendaire de Dick Whittington à Londres (Angleterre)
  7. Page 7 : Les statues de York, la « ville des chats » en Angleterre
  8. Page 8 : La statue des chats bagarreurs à Brunswick (Allemagne)
  9. Page 9 : La statue de Towser, le chat champion d’élimination de souris de la distillerie Glenturret (Crieff, Écosse)
  10. Page 10 : La statue du Gros Chat (El Gato) à Barcelone (Espagne)
  11. Page 11 : Les statues de Kuching, la « ville des chats » de Malaisie
  12. Page 12 : Les statues de La Romieu, le « village des chats » (France)
  13. Page 13 : La statue de Trim, premier chat à avoir fait le tour de l’Australie (Sydney, Australie)
  14. Page 14 : La statue du Chat de la rivière à Cali (Colombie)
  15. Page 15 : La statue de Hodge, le chat de l’homme de lettres Samuel Johnson (Londres, Angleterre)
  16. Page 16 : Les statues de chats décalées de Kensington Market (Toronto, Canada)
  17. Page 17 : La statue de Panteleimon, le chat chéri de la Porte d’Or à Kiev (Ukraine)
  18. Page 18 : La statue des chats Turcs de Van à Van (Turquie)
  19. Page 19 : Les statues d’Elisey et Vasilisa, les chats protecteurs du siège de Leningrad (Saint-Pétersbourg, Russie)
  20. Page 20 : La statue du chat expérimental à Saint-Pétersbourg (Russie)
  21. Page 21 : La statue de Mrs Chippy, chat explorateur de l’Antarctique (Wellington, Nouvelle-Zélande)
  22. Page 22 : La statue de chat coloré de Sliema (Malte)
  23. Page 23 : Les statues du chat Behemoth (Russie et Ukraine)
  24. Page 24 : La drôle de statue du chat Yoshkin kot à Iochkar-Ola (Russie)
  25. Page 25 : La statue du chat Hamish McHamish, mascotte de St Andrews (Écosse)
  26. Page 26 : La statue de Tombili, le chat le plus cool d’Istanbul (Turquie)
  27. Page 27 : La statue de la chatte Soledad et du chien Tristán, monument contre la maltraitance animale à Valence (Espagne)
  28. Page 28 : La statue de Ratty, premier chat à avoir bénéficié de deux grandes innovations médicales (Raleigh, États-Unis)
  29. Page 29 : La statue d’Umbriaga, le chat de Szczecin qui aimait l’eau (Pologne)
  30. Page 30 : La statue du Chat vert géant à Huai’an (Chine)
  31. Page 31 : Les statues futuristes des Ship’s Cat (Japon)