J'ai un chat, un vraiment chouette chat.
Et comme il faut appeler un chat un chat,
Je l'appelle toujours Chat-quelque-chose.
C'est plus joli que Roger ou que Rosa-Rose.
Chaque jour, je change son nom. Le lundi, c'est Chatouille.
Le mardi, je préfère Chasseur-de- grenouilles.
Le mercredi, je trouve Chapitre assez joli.
Le jeudi, je l'appelle Charrue-avant-les-boeufs,
Et je garde Charlatan pour le vendredi.
Le samedi, mon chat s'appelle Chartreux
Et le dimanche, il se nomme Charivari.
Mon chat a sept vies, c'est pourquoi il a sept noms.
Mais comme il ne vient jamais, de toute façon,
Ou alors seulement quand il a faim,
Je devrais plutôt l'appeler Chagrin.
Mais je n'ai pas vraiment de chat,
C'est plutôt lui qui m'a.
Et le vrai nom de ce chat que je n'ai pas,
C'est Chacun-pour-soi.
Le poète québécois François Gravel (né en 1951) a pour habitude de s’exprimer librement, avec des mots sans prétention et teintés d’humour. Portée par la culture québécoise, qui peut parfois choquer le Vieux Continent, son écriture sans fioritures est directe, mais dénuée de méchanceté. En ce sens, il est parfaitement représentatif des Québécois, connus pour « appeler un chat un chat », c’est-à-dire s’exprimer sans prendre des pincettes.
Son poème « Un chat un chat » (2009) rend hommage à la façon pragmatique et résiliente du peuple québécois de tolérer les aléas de la vie. On ne force pas le félin à s’adapter à soi, alors qu’il ne désire que liberté et l’indépendance : un chat reste un chat, et on ne peut rien y changer. Par conséquent, dans un esprit de bonne entente mutuelle, mieux vaut l’accepter tel qu’il est. Or, ce qui est valable pour un chat l’est pour tous les petits imprévus et autres contrariétés du quotidien : il s’agit de les affronter avec réalisme et objectivité, et de parvenir à avancer malgré tout.