Le chat qui ne ressemble à rien
Aujourd'hui ne va pas très bien.
Il va visiter le Docteur
Qui lui ausculte le coeur.
Votre coeur ne va pas bien
Il ne ressemble à rien,
Il n'a pas son pareil
De Paris à Créteil.
Il va visiter sa demoiselle
Qui lui regarde la cervelle.
Votre cervelle ne va pas bien
Elle ne ressemble à rien,
Elle n'a pas son contraire
A la surface de la terre.
Voilà pourquoi le chat qui ne ressemble à rien
Est triste aujourd'hui et ne va pas bien.
Combattant et résistant pendant la Seconde guerre mondiale, le poète français Robert Desnos (1900-1945) est arrêté en 1944 et envoyé en camp de concentration. Il y meurt du typhus en 1945, un mois après sa délivrance par l’Armée rouge. Heureusement, un jeune étudiant tchèque le reconnaît au sein des centaines de prisonniers libérés agonisants, lui permettant de sortir de l’anonymat et d’avoir les obsèques qu’il mérite.
Lorsque ses cendres sont remises à la France en octobre 1945, Paul Eluard (1895-1952) écrit à son sujet : « Jusqu’à la mort, Desnos a lutté. Tout au long de ses poèmes, l’idée de liberté court comme un feu terrible, le mot de liberté claque comme un drapeau parmi les images les plus neuves, les plus violentes aussi. La poésie de Desnos, c’est la poésie du courage. Il a toutes les audaces possibles de pensée et d’expression. Il va vers l’amour, vers la vie, vers la mort sans jamais douter ».
Derrière des apparences de poésie innocente composée pour les enfants d’un couple d’amis, le poème « Le chat qui ne ressemble à rien » (1932), publié en 1975 à titre posthume dans le recueil Destinée arbitraire, ne pourrait-il pas être en fait un autoportrait du poète qui regarde, impuissant, la montée de l’idéologie nazie en Europe ? Voire une prémonition de la fin tragique qui l’attend…