Je suis le chat de cimetière,
De terrain vague et de gouttière,
De haute-Égypte et du ruisseau
Je suis venu de saut en saut.
Je suis le chat qui se prélasse
A l’instant où le soleil passe,
Dans vos jardins et dans vos cours
Sans avoir patte de velours.
Je suis le chat de l’infortune,
Le trublion du clair de lune
Qui vous réveille dans la nuit
Au beau milieu de vos ennuis.
Je suis le chat des maléfices
Condamné par le Saint-Office ;
J’évoque la superstition
Qui cause vos malédictions.
Je suis le chat qui déambule
Dans vos couloirs de vestibules,
Et qui fait ses petits besoins
Sous la porte cochère du coin.
Je suis le félin bas de gamme,
La bonne action des vieilles dames
Qui me prodiguent le ron-ron
Sans souci du qu’en dira-t-on.
Épargnez moi par vos prières
Le châtiment de la fourrière
Où finissent vos émigrés
Sans demeure et sans pedigree.
Le caricaturiste et écrivain français Henry Monnier (1799-1877) se moque éperdument des bureaucrates de la haute société de son époque, notamment au travers de son célèbre personnage Joseph Prudhomme. Honoré de Balzac (1799-1850) écrit d’ailleurs à propos de cette stupide et sentencieuse figure qu’il est « l’illustre type des bourgeois de Paris » (Les petits bourgeois, roman posthume paru en 1855).
Dans Chats de partout, Monnier brosse un portrait du commun peuple qui passe souvent inaperçu tout en faisant partie du quotidien des messieurs Prudhomme de ce monde. Il dévoile l’absurdité de leur snobisme envers ces petites gens qui, en réalité, s’avèrent bien nécessaires à leur vie confortable de nantis.