« À une chatte », par Charles Cros (1873)

La page de couverture du recueil « Le coffret de santal » écrit par Charles Cros

Texte du poème « À une chatte »

Chatte blanche, chatte sans tache,

Je te demande, dans ces vers,

Quel secret dort dans tes yeux verts,

Quel sarcasme sous ta moustache.

 

Tu nous lorgnes, pensant tout bas

Que nos fronts pâles, que nos lèvres

Déteintes en de folles fièvres,

Que nos yeux creux ne valent pas.

 

Ton museau que ton nez termine

Rose comme un bouton de sein

Tes oreilles dont le dessin

Couronne fièrement ta mine.

 

Pourquoi cette sérénité ?

Aurais-tu la clé des problèmes

Qui nous font frissonnants et blêmes,

Passer le printemps et l’été ?

 

Devant la mort qui nous menace,

Chats et gens, ton flair, plus subtil

Que notre savoir, te dit-il

Où va la beauté qui s’efface ?

 

Où va la pensée, où s’en vont

Les défuntes splendeurs charnelles ?

Chatte, détourne tes prunelles,

J’y trouve trop de noir au fond.

Informations sur l'auteur et explications

Le poète français Charles Cros (1842-1888) est d’abord un scientifique. En inventeur perpétuel, il étudie la nature pour en percer les secrets et pour montrer à ses contemporains « un monde nouveau » dans lequel fusionneraient en douceur la science et l’art poétique. Dans le domaine de l’écriture, il utilise les mots comme des procédés savants pour analyser la vie autour de lui et tenter de tirer des leçons de la nature.

 

Dans « À une chatte », publié en 1873 au sein du recueil Le coffret de santal, il interroge le chat sur son attitude de détachement face aux problèmes des hommes, à l’éphémérité de la beauté et à la fatalité de la mort. Le sage félin (blanc de pureté !) semble en avoir beaucoup à enseigner à l’ignare humain, mais celui-ci détourne le regard par peur d’en apprendre trop sur lui-même.

 

Le choix du nom « coffret de santal » est une manière de signifier au lecteur que les poèmes sont de joyaux précieux, ciselés avec art et amour, retenus dans une jolie boite à bijoux. Et c’est bien une petite merveille d’introspection personnelle qu’il offre avec ce poème…

Dernière modification : 09/26/2025.

Sommaire de l'article

  1. Page 1 : Le chat dans la poésie
  2. Page 2 : « Épitaphe d’un chat », par Joachim du Bellay (1558)
  3. Page 3 : « Jubilate Agno », de Christopher Smart (1763)
  4. Page 4 : « Chats de partout », par Henry Monnier (1830)
  5. Page 5 : « Le chat noir de la palissade », par Henry Monnier
  6. Page 6 : « Le chat (1) », par Charles Baudelaire (1857)
  7. Page 7 : « Les chats », par Charles Baudelaire (1857)
  8. Page 8 : « Femme et chatte », par Paul Verlaine (1866)
  9. Page 9 : « À une chatte », par Charles Cros (1873)
  10. Page 10 : « Berceuse », par Charles Cros (1879)
  11. Page 11 : « Vieux frère », par Jules Lemaître (1880)
  12. Page 12 : « Le chat », par Maurice Rollinat (1883)
  13. Page 13 : « Elle aperçoit un Oiseau – piaule », de Emily Dickinson
  14. Page 14 : « Le petit chat », par Edmond Rostand (1890)
  15. Page 15 : « Le chat fatal », par Emile Nelligan (1899)
  16. Page 16 : « Les p’tits chats », par Gaston Couté
  17. Page 17 : « À la mémoire d’une chatte naine que j’avais », par Jules Laforgue (1901)
  18. Page 18 : « Le chat », par Guillaume Apollinaire (1911)
  19. Page 19 : « Chat », par Paul Eluard (1920)
  20. Page 20 : « Le chat et la Lune », de William Butler Yeats (1924)
  21. Page 21 : « Le chat qui ne ressemblait à rien », par Robert Desnos (1932)
  22. Page 22 : « Mon petit chat », par Maurice Carême (1947)
  23. Page 23 : « Le sommeil du chat », par Tristan Klingsor (1948)
  24. Page 24 : « Oda al Gato », par Pablo Neruda (1959)
  25. Page 25 : « Le chat et le soleil », par Maurice Carême (1972)
  26. Page 26 : « Devant la cheminée », par Pierre Menanteau (1972)
  27. Page 27 : « Poème du chat », par Jacques Roubaud (1983)
  28. Page 28 : « Goutte de lumière », par Marc Alyn (1986)
  29. Page 29 : « Un chat un chat », par François Gravel (2009)
  30. Page 30 : « Châtiment d’un chat renversé », par Sybille Rembard (2009)
  31. Page 31 : « Chat Fantôme », de Margaret Atwood (2020)