Les nazis dans « Maus », de Art Spiegelman (1980)

Sommaire de l'article

  1. Page 1 :
  2. 1. De la littérature en estampes…
  3. 2. …à la bande dessinée
  4. 3. À partir des dernières années du 19ème siècle : des chats et des journaux
  5. 4. Les années 1920 : Felix, la star de la BD
  6. 5. Les années 1940-1950 : la traversée du désert
  7. 6. Les chats à l’heure du comix
  8. 7. Les nouvelles stars félines de la BD
  9. 8. Rire, pleurer et philosopher en compagnie des chats
  10. 9. Le chat, miroir du quotidien
  11. Page 2 : « Krazy Kat », de George Herriman (1913)
  12. Page 3 : « Felix le chat », de Otto Messmer et Pat Sullivan (1919)
  13. Page 4 : Hercule dans « Pif le chien », de José Cabrero Arnal (1949)
  14. Page 5 : Le chat dingue dans « Gaston Lagaffe », de Franquin (1957)
  15. Page 6 : Azraël dans « Les Schtroumpfs », de Peyo (1959)
  16. Page 7 : Salem dans « Sabrina, l’apprentie sorcière », de Dan Decarlo et George Gladir (1962)
  17. Page 8 : « Fritz le chat », de Robert Crumb (1965)
  18. Page 9 : « Garfield », de Jim Davis (1978)
  19. Page 10 : Le chat noir dans « Les yeux du chat », de Alejandro Jodorowsky et Moebius (1978)
  20. Page 11 : Les nazis dans « Maus », de Art Spiegelman (1980)
  21. Page 12 : « Le Chat », de Philippe Geluck (1983)
  22. Page 13 : « Billy the cat », de Stephen Desberg et Stéphan Colman (1989)
  23. Page 14 : Les hommes-chats dans « Chats », de Didier Convard (1992)
  24. Page 15 : « Blacksad », de Juan Diaz Canales et Juanjo Guarnido (2000)
  25. Page 16 : « Le Chat du rabbin », de Joann Sfar (2002)
  26. Page 17 : Tinker dans « Nou3 », de Grant Morrison (2004)
  27. Page 18 : Le chat qui change tout le temps de nom dans « Lou ! », de Julen Neel (2004)
  28. Page 19 : « Miss Annie », de Franck Le Gall et Flore Balthazar (2010)
  29. Page 20 : Sugar dans « Sugar, Ma vie de chat », de Serge Baeken (2014)
  30. Page 21 : Choupette dans « Karl’s Secret », de Tiffany Cooper (2015)
  31. Page 22 : « Léonid », de Frédéric Brrémaud et Stefano Turconi (2015)

Né en 1948, Art Spiegelman est une des grandes figures de la bande dessinée indépendante américaine. Dans les années 80, il décide d’interviewer son père, Vladek Spiegelman, afin de retracer son parcours de survivant de l’Holocauste. De ces entretiens naît progressivement Maus, une œuvre mêlant récit familial et mémoire historique, publiée dans le magazine de comics Raw de 1980 à 1991.


Pour représenter les différentes communautés et les rapports de domination dans le contexte des années 30 et 40, l’auteur adopte un anthropomorphisme symbolique : les Juifs deviennent des souris et les Allemands des chats. S’inscrivant dans une longue tradition littéraire et satirique consistant à utiliser des personnages animaliers pour représenter les comportements humains et dénoncer les rapports de pouvoir, ce choix graphique permet à la fois de simplifier visuellement les conflits et de renforcer la portée symbolique de l’histoire, transformant le traumatisme en une fable à la fois puissante et universelle.


C’est aussi une manière pour l’auteur de détourner les codes de la bande dessinée américaine, dans laquelle les animaux anthropomorphiques sont très présents. Ici, les chats n’ont rien de naïf ou d’attachant : ils sont vêtus d’uniformes militaires et représentent une présence menaçante. Le visage du dictateur allemand Adolf Hitler (1889-1945), transformé en tête de chat et apparaissant sur une croix gammée en couverture du premier album, est d’ailleurs devenu l’un des dessins de chats les plus célèbres de la bande dessinée américaine.


Maus se distingue assurément par son originalité, mais n’est pas sans ses détracteurs. Certaines personnes estiment en effet qu’utiliser des animaux pour représenter les populations peut créer une distance émotionnelle avec le drame vécu par les victimes du nazisme, voire déshumaniser celles-ci.


L’accueil du public et de la critique reste néanmoins majoritairement très positif. Grâce à sa capacité à traiter un sujet historique majeur à travers la bande dessinée, Maus attire une attention inédite pour une œuvre indépendante. En 1992, elle reçoit même le Prix Pulitzer spécial, une distinction rare pour une BD. L’œuvre est depuis diffusée et étudiée dans de nombreuses écoles, contribuant ainsi à perpétuer le devoir de mémoire vis-à-vis de la Shoah.