Le chat noir dans « Les yeux du chat », de Alejandro Jodorowsky et Moebius (1978)

Sommaire de l'article

  1. Page 1 :
  2. 1. De la littérature en estampes…
  3. 2. …à la bande dessinée
  4. 3. À partir des dernières années du 19ème siècle : des chats et des journaux
  5. 4. Les années 1920 : Felix, la star de la BD
  6. 5. Les années 1940-1950 : la traversée du désert
  7. 6. Les chats à l’heure du comix
  8. 7. Les nouvelles stars félines de la BD
  9. 8. Rire, pleurer et philosopher en compagnie des chats
  10. 9. Le chat, miroir du quotidien
  11. Page 2 : « Krazy Kat », de George Herriman (1913)
  12. Page 3 : « Felix le chat », de Otto Messmer et Pat Sullivan (1919)
  13. Page 4 : Hercule dans « Pif le chien », de José Cabrero Arnal (1949)
  14. Page 5 : Le chat dingue dans « Gaston Lagaffe », de Franquin (1957)
  15. Page 6 : Azraël dans « Les Schtroumpfs », de Peyo (1959)
  16. Page 7 : Salem dans « Sabrina, l’apprentie sorcière », de Dan Decarlo et George Gladir (1962)
  17. Page 8 : « Fritz le chat », de Robert Crumb (1965)
  18. Page 9 : « Garfield », de Jim Davis (1978)
  19. Page 10 : Le chat noir dans « Les yeux du chat », de Alejandro Jodorowsky et Moebius (1978)
  20. Page 11 : Les nazis dans « Maus », de Art Spiegelman (1980)
  21. Page 12 : « Le Chat », de Philippe Geluck (1983)
  22. Page 13 : « Billy the cat », de Stephen Desberg et Stéphan Colman (1989)
  23. Page 14 : Les hommes-chats dans « Chats », de Didier Convard (1992)
  24. Page 15 : « Blacksad », de Juan Diaz Canales et Juanjo Guarnido (2000)
  25. Page 16 : « Le Chat du rabbin », de Joann Sfar (2002)
  26. Page 17 : Tinker dans « Nou3 », de Grant Morrison (2004)
  27. Page 18 : Le chat qui change tout le temps de nom dans « Lou ! », de Julen Neel (2004)
  28. Page 19 : « Miss Annie », de Franck Le Gall et Flore Balthazar (2010)
  29. Page 20 : Sugar dans « Sugar, Ma vie de chat », de Serge Baeken (2014)
  30. Page 21 : Choupette dans « Karl’s Secret », de Tiffany Cooper (2015)
  31. Page 22 : « Léonid », de Frédéric Brrémaud et Stefano Turconi (2015)

Pour les cinéphiles, le Franco-Chilien Alejandro Jodorowsky (né en 1929) est surtout connu comme le réalisateur d’un film mythique… qui n’a jamais vu le jour : Dune. En 1975, le cinéaste entreprend d’adapter sur grand écran le célèbre roman de science-fiction de l’Américain Frank Herbert (1920-1986). Ce projet d’une ambition démesurée réunit de prestigieux collaborateurs : notamment l’acteur américain Orson Welles (1915-1985) ainsi que le peintre espagnol Salvador Dalí (1904-1989) au casting, et le groupe de rock britannique Pink Floyd pour la musique. Cela vaut aussi concernant l’aspect visuel, pour lequel il est fait appel à l’un des plus grands noms de la bande dessinée française : Moebius (1938-2012). Faute de financement, le film n’est jamais tourné, mais son storyboard est une véritable œuvre d’art qui influence durablement aussi bien le cinéma que la bande dessinée.


De cette collaboration avortée naît aussi une amitié artistique. En effet, trois ans plus tard, Jodorowsky et Moebius s’associent à nouveau, cette fois pour créer une bande dessinée singulière : Les Yeux du chat, qui paraît donc en 1978.


Son action se déroule dans une ville futuriste presque déserte, où un enfant aveugle cherche à arracher les yeux d’un chat pour se les greffer. À la fois bref, cruel et poétique, le récit frappe par son intensité visuelle et sa dimension expérimentale. En effet, cette œuvre ne contient aucune bulle de dialogue et rompt fortement avec les codes du genre : tout au long de ses 52 pages, chaque page de droite présente une illustration pleine, tandis que celle de gauche se limite à une phrase de texte. Ce dispositif narratif n’est pas sans rappeler la littérature en estampes du 19ème siècle, à mi-chemin entre livre illustré et bande dessinée.


Par sa structure minimaliste, sa brutalité symbolique et son atmosphère énigmatique, Les Yeux du chat fait l’objet de nombreuses interprétations tant lors de sa parution que par la suite. Il est en tout cas souvent considéré comme un chef-d’œuvre de la bande dessinée contemporaine, démontrant la capacité de ce genre littéraire à se réinventer en dehors de ses codes traditionnels.


Réédité à plusieurs reprises, que ce soit en noir et blanc ou dans sa célèbre version « jaune », cet ouvrage s’impose comme une véritable œuvre d’art, rare et précieuse. Son prix élevé (environ 15 euros pour une édition classique, près de 50 euros pour une édition de collection) témoigne d’ailleurs de son statut d’objet d’exception, à la croisée du livre et de l’estampe.

Dernière modification : 11/27/2025.