Dans les années 1980, Garfield, le chat roux créé par l’Américain Jim Davis (né en 1945), règne sans partage sur la bande dessinée comique aux États-Unis, tant dans les journaux qu’en librairie. En Europe, il est également populaire, mais un autre représentant de la gent féline ne tarde pas à lui faire de l’ombre : Le Chat, imaginé par l’auteur belge Philippe Geluck (né en 1954). Cet imposant bipède gris au gros nez et à l’air ahuri, presque toujours vêtu d’un costume-cravate, vient chaque jour divertir les lecteurs du quotidien belge Le Soir avec ses réflexions absurdes, logiques et philosophiques, où l’humour se mêle à la satire douce-amère.
Le charme de ce personnage réside autant dans son apparence que dans son humour subtil et sa réflexion décalée. À travers des calembours, des jeux de mots et des situations absurdes, il commente la société, la politique, la culture ou les travers humains avec un flegme impassible. C’est d’autant plus vrai que son statut d’animal anthropomorphique (il est bipède, toujours habillé en costume et particulièrement imposant) lui permet de mêler détachement et autorité comique, donnant du poids à ses propos tout en conservant une certaine légèreté. Le Chat est en quelque sorte un philosophe paresseux, avec qui on passe en une seule bulle d’un simple gag trivial à une réflexion profonde sur l’existence, si bien que chaque strip est un mélange unique d’absurde et de sagacité.
Cette prédominance du langage sur l’action, ainsi que le parti pris engagé du personnage (humaniste et altermondialiste convaincu), destinent cette œuvre à un public plus adulte que les autres comic strips. De fait, Le Chat est une bande dessinée qui fait réfléchir et ne plait pas forcément à tout le monde, étant donné que le lecteur n’adhère pas forcément aux positions que Geluck défend au travers de son héros. Néanmoins, force est de constater qu’elle démontre combien la bande dessinée peut être un art engagé, capable de parler de tout - y compris de politique, de religion et de philosophie.
Le Chat se décline en une vingtaine d’albums, qui compilent les strips parus dans la presse et ajoutent quelques inédits. À cela s’ajoutent de nombreux hors-séries, ainsi que les neuf albums de la série Le Fils du chat. Cette dernière explore la relation entre la création de Geluck et son fils, dans des histoires davantage adaptées à la jeunesse.
Particulièrement célèbre dans sa Belgique natale, le Chat est visible sur différentes peintures murales à Bruxelles. C’est le cas notamment dans le quartier de la Chasse, où il est la vedette de deux cases de la plus grande fresque BD du monde.