Bien avant que Tom et Jerry ne se fassent la guerre dans les dessins animés des studios Hanna-Barbera, l’Amérique se passionne au début du 20ème siècle pour un autre chat et une autre souris à la relation compliquée : Krazy et Ignatz.
Créé par l’auteur américain George Herriman (1880-1944) et publié dans les pages du quotidien New York Evening Journal, le comic strip Krazy Kat tourne autour de la relation entre Krazy, un chat noir, et Ignatz, une souris dont il est amoureux, mais qui le méprise et n’est absolument pas intéressée. Pour se débarrasser de ce prétendant non désiré, Ignatz lui lance constamment des briques à la figure, mais Krazy interprète cela comme des preuves d’amour.
Fortement influencé par les caricaturistes de l’époque, tels que Frederick Burr Opper (1857-1937) et Rudolph Dirks (1877-1968), mais aussi par les peintres cubistes et surréalistes, Herriman s’éloigne délibérément du réalisme dans la représentation de ses personnages, et notamment de son chat. Il en déforme les proportions, lui attribue un visage triangulaire et une queue anormalement longue. À tel point que cela a de quoi se brouiller le lecteur : on en vient à se demander s’il s’agit réellement d’un chat ou plutôt d’une créature étrange et indéfinissable, née de son imagination.
En tout cas, le succès auprès de la critique est au rendez-vous : celle-ci souligne en particulier l’inventivité des gags et le sens de la poésie dans les dialogues. Le célèbre poète américain E.E. Cummings (1894-1962) rédige d’ailleurs une introduction élogieuse lors de la sortie du premier album de la série.
Toutefois, les histoires de Krazy Kat n’ont pas toujours bien vieilli, notamment lorsqu’elles traitent du harcèlement avec une légèreté qui de nos jours semble difficilement concevable.