« Fritz le chat », de Robert Crumb (1965)

Sommaire de l'article

  1. Page 1 :
  2. 1. De la littérature en estampes…
  3. 2. …à la bande dessinée
  4. 3. À partir des dernières années du 19ème siècle : des chats et des journaux
  5. 4. Les années 1920 : Felix, la star de la BD
  6. 5. Les années 1940-1950 : la traversée du désert
  7. 6. Les chats à l’heure du comix
  8. 7. Les nouvelles stars félines de la BD
  9. 8. Rire, pleurer et philosopher en compagnie des chats
  10. 9. Le chat, miroir du quotidien
  11. Page 2 : « Krazy Kat », de George Herriman (1913)
  12. Page 3 : « Felix le chat », de Otto Messmer et Pat Sullivan (1919)
  13. Page 4 : Hercule dans « Pif le chien », de José Cabrero Arnal (1949)
  14. Page 5 : Le chat dingue dans « Gaston Lagaffe », de Franquin (1957)
  15. Page 6 : Azraël dans « Les Schtroumpfs », de Peyo (1959)
  16. Page 7 : Salem dans « Sabrina, l’apprentie sorcière », de Dan Decarlo et George Gladir (1962)
  17. Page 8 : « Fritz le chat », de Robert Crumb (1965)
  18. Page 9 : « Garfield », de Jim Davis (1978)
  19. Page 10 : Le chat noir dans « Les yeux du chat », de Alejandro Jodorowsky et Moebius (1978)
  20. Page 11 : Les nazis dans « Maus », de Art Spiegelman (1980)
  21. Page 12 : « Le Chat », de Philippe Geluck (1983)
  22. Page 13 : « Billy the cat », de Stephen Desberg et Stéphan Colman (1989)
  23. Page 14 : Les hommes-chats dans « Chats », de Didier Convard (1992)
  24. Page 15 : « Blacksad », de Juan Diaz Canales et Juanjo Guarnido (2000)
  25. Page 16 : « Le Chat du rabbin », de Joann Sfar (2002)
  26. Page 17 : Tinker dans « Nou3 », de Grant Morrison (2004)
  27. Page 18 : Le chat qui change tout le temps de nom dans « Lou ! », de Julen Neel (2004)
  28. Page 19 : « Miss Annie », de Franck Le Gall et Flore Balthazar (2010)
  29. Page 20 : Sugar dans « Sugar, Ma vie de chat », de Serge Baeken (2014)
  30. Page 21 : Choupette dans « Karl’s Secret », de Tiffany Cooper (2015)
  31. Page 22 : « Léonid », de Frédéric Brrémaud et Stefano Turconi (2015)

En 1959, alors qu’il n’est encore qu’un adolescent, l’Américain Robert Crumb (né en 1943) s’amuse à créer une bande dessinée baptisée Cat Life et centrée sur la vie de Fred, le chat de sa famille. Crumb n’a aucune intention de publier cette œuvre de jeunesse, mais le personnage qu’il a couché sur le papier continue d’occuper ses pensées. Un an plus tard, en 1960, il réapparaît dans sa bande dessinée Robin Hood (Robin des bois, en français), avec toutefois quelques changements à la clef. Il s’appelle désormais Fritz, est doué de parole et capable de se mouvoir sur deux pattes. 


Il faut dire que, selon les dires de l’auteur, les animaux anthropomorphiques lui permettent d’aller plus loin dans la satire et l’absurde que les personnages humains.


Crumb décide alors de réutiliser ce chat en en faisant carrément le personnage principal d’un comic prenant place dans une gigantesque mégalopole, qu’il nomme tout simplement Fritz le chat (Fritz the cat). Tout au long de la première moitié des années 60, il dessine cette œuvre uniquement pour son plaisir. Toutefois, à partir de 1965, le magazine satirique Help! s’intéresse au travail de cet artiste underground : Crumb leur fait alors parvenir une histoire de Fritz le chat qu’ils décident de publier.


Le public découvre alors un personnage très éloigné des animaux bon enfant qu’on retrouve habituellement dans les comics strips. On y voit en effet Fritz ramener une jeune chatte chez lui et la déshabiller, avant de commencer à lui retirer les puces. L’éditeur apprécie beaucoup la BD de Crumb, qui mêle l’absurde et l’érotisme, même s’il s’inquiète des ennuis juridiques qu’il pourrait s’attirer en publiant ce genre d’œuvres. 


Une seconde histoire est publiée quelque mois plus tard, dans laquelle le même Fritz prend les traits d’une rock-star dévorant une groupie pigeon qu’il a ramenée chez lui. Elle ne calme sans doute pas les inquiétudes de la direction, mais plaît beaucoup aux lecteurs et fait de Crumb l’un des nouveaux auteurs à suivre dans l’univers du comix underground. 


Poseur hédoniste, narcissique et amoral, Fritz continue jusqu’en 1972 d’apparaître au sein de diverses histoires publiées dans Help!. Il atteint alors une telle renommée que la bande dessinée est adaptée dans un long-métrage d’animation baptisé simplement Fritz le chat (Fritz the cat, en version originale). Écrite et réalisée par Ralph Bakshi (né en 1938), cette adaptation va tellement loin dans la violence et l’érotisme qu’elle devient le premier film d’animation classé X de l’histoire aux États-Unis. Ce long-métrage satirique séduit le public comme la critique, mais pas Robert Crumb : il dénonce la gratuité des scènes sexuelles et la dénaturation de son personnage. En réponse, il publie en 1973 Fritz le chat « Superstar » (Fritz the cat “Superstar”, en version originale), dans lequel son anti-héros est désormais une vedette de cinéma déconnectée de la réalité. À la fin de cette histoire, Crumb fait tuer son personnage, dans l’espoir d’empêcher quiconque de l’exploiter davantage. C’est peine perdue : dès l’année suivante, soit 1974, un second film baptisé Les neuf vies de Fritz le chat (The Nine Lives of Fritz the cat) voit le jour. Il est réalisé cette fois par l’Américain Robert Taylor (1944-2014), toujours sans l’aval de Crumb, mais ne rencontre pas le même succès que le premier opus.


Il convient pour finir de souligner qu’en 2013 l’intégralité de la bande dessinée est publiée en français sous son titre original, Fritz the cat.