Le chat dans les religions

Un chat qui fait sa toilette avec une église en arrière-plan

Vénéré, redouté et parfois même déifié, le chat fut source de toutes sortes de superstitions à travers l’histoire des religions. Ce mystérieux petit animal fut l’objet de minutieuses observations de la part d’adeptes de nombreux cultes croyant voir chez lui pêle-mêle un modèle de sagesse, un représentant des dieux sur terre ou encore un être maléfique.


Au fil des siècles, le progrès et le développement des savoirs ont eu en grande partie raison de ces superstitions. Elles n’en eurent pas moins un impact durable sur la perception du chat dans de nombreuses parties du monde.


Voici une présentation du statut du chat dans les principales religions, précédée d’une description de son rôle religieux et spirituel à travers les âges.

Les divinités félines de l’Égypte ancienne

Statue de Bastet, déesse de l'Egypte antique ayant l'apparence d'un chat
La déesse-chatte Bastet

Domestiqué dans l’Égypte ancienne, sans doute entre 7500 et 7000 avant J.-C., le chat occupait un rôle important au sein de cette société. Il était en effet considéré comme le protecteur des champs et du foyer ; un animal capable non seulement d’éliminer la vermine et les serpents, mais aussi de repousser les mauvais esprits. Il était même aux yeux des fidèles un représentant des dieux sur Terre, ce qui explique d’ailleurs que tuer un chat était alors considéré comme un crime très grave passible de la peine de mort.

 

Pour autant, ce statut n’avait pas que des avantages : en tant qu’animal sacré, il faisait parfois l’objet de sacrifices rituels (notamment lors de rites funéraires), en particulier à partir du 7ème siècle avant J.-C.

 

La figure du chat finit même par faire son entrée au panthéon égyptien, quoique de façon tardive et limitée. On ne trouve en effet presque aucun exemple de dieux prenant les traits de cet animal avant le Nouvel Empire (de -1580 à -1077 avant J.-C.), à l’exception de Mafdet. Cette divinité associée à la justice était vénérée pendant la période thinite (vers 3150 à 2800 avant J.-C.) et prenait parfois l’apparence d’un chat domestique ou d’un caracal (un type de lynx), lorsqu’elle n’était pas représentée par un guépard. Il faut dire qu’à cette époque, les Égyptiens étaient plutôt fascinés par les grands félins - notamment le lion, qu’ils associaient entre autres à Sekhmet, la puissante déesse de la guerre, ainsi qu’à Tefnout, qui était dans leur mythologie la première divinité féminine à avoir vu le jour. 

 

Néanmoins, la déesse-chatte la plus connue est Bastet. Considérée dans un premier temps comme une divinité guerrière, elle était alors représentée sous les traits d’une lionne. Lorsque son image évolua et qu’on commença à l’associer davantage à la maternité et à la protection du foyer, la lionne laissa la place à un chat domestique, comme l’attestent les nombreuses figurines à son effigie sur laquelle elle est parfois représentée avec des chatons.

 

Le chat perdit peu à peu son statut divin à partir du moment où l’Égypte fut intégrée à l’Empire romain en 30 avant J.-C. Conformément à leur politique coloniale, les Romains intégrèrent certes les divinités égyptiennes à leur propre panthéon, mais ils encouragèrent la population à adopter leurs divinités équivalentes. Or, aucune d’entre elle n’avait les traits d’un chat – il faut dire que les représentants de la gent féline étaient alors très peu présents de l’autre côté de la Méditerranée. 

 

Après la conquête de l’Égypte par les Arabes et son intégration à l’empire islamique en 641, le chat cessa complètement d’être vénéré dans le pays. Il continua toutefois de jouir d’une grande sympathie auprès de la population, qui s’était depuis longtemps prise d’affection pour lui.

Le chat dans les cultes de l’Europe préchrétienne

Illustration de la déesse Freyja sur son char tracté par ses deux chats
La déesse Freyja

Les Grecs et les Romains n’accordaient pas une grande importance aux chats dans leurs cultes respectifs. Certes, on en trouvait parfois représentés au côté d’Artémis, la déesse grecque de la chasse et de la nature, mais cela demeurait relativement rare. Il faut dire que la diffusion de cet animal du côté nord de la Méditerranée demeura très limitée jusqu’au 5ème siècle avant J.-C., et que même une fois présent en plus grand nombre, il ne parvint pas à s’intégrer à des pratiques religieuses déjà bien ancrées.

 

Il sut néanmoins prouver son utilité aux populations locales, qui utilisèrent ses dons de chasseur pour repousser la vermine. Cela lui permit de se répandre peu à peu sur la totalité du territoire de l’Empire romain, aidé notamment par les soldats qui l’emmenèrent avec eux en campagne afin de protéger les rations.

 

Après son arrivée dans l’actuelle Écosse à partir du 1er siècle après J.-C. puis plus tardivement en Irlande, le chat s’intégra à la mythologie celtique. On pensait alors qu’il entretenait un lien étroit avec le Sidh, le monde des Dieux, et qu’en conséquence il avait accès à des secrets inaccessibles au commun des mortels. Il était également associé à la magie et aux sorcières, si bien qu’il suscitait parfois la méfiance des habitants des îles britanniques. 

 

Il était aussi présent dans le folklore celtique notamment à travers le Cat Sith (ou Cat Sidhe en irlandais), un grand chat noir avec une tache blanche sur la poitrine qu’on croyait capable de voler l’âme des défunts. Les explications variaient toutefois quant à la nature de cette créature maléfique. Pour certains, le Cat Sith était une sorcière pouvant se transformer neuf fois en chat (ce qui donna naissance à la légende voulant que les petits félins aient neuf vies). Pour d’autres, il s’agissait d’une créature démoniaque capable d’exaucer les vœux de ceux qui osaient l’invoquer au cours d’un rituel demandant de brûler des cadavres de chats pendant quatre jours et quatre nuits.

 

Le chat finit même par atteindre la Scandinavie à partir du 8ème siècle après J.-C. : protégeant les bateaux des Vikings contre les rats, il devint l’un de leurs animaux de compagnie favoris. Il se fit même une place dans leurs croyances : en lieu et place de chevaux, ce sont deux chats mâles nommés Bygul et Tregul qui tirent le chariot de Freya, la déesse nordique de la fertilité et de la féminité.   

Un animal diabolisé dans l'Europe du Moyen Âge

Illustration du Cat Sith avec une tache blanche sur la poitrine
Le Cat Sith

Le mythe du Cat Sith et d’autres croyances similaires eurent vraisemblablement un impact sur la perception des chats lors de la christianisation de l’Europe au Moyen Âge. En effet, l’Église voyait à cette époque d’un mauvais œil cet animal fréquemment associé à des rituels païens.

 

Au 13ème siècle, le pape Grégoire IX (né entre 1145 et 1170, mort en 1241) alla même jusqu’à lui déclarer la guerre dans sa bulle pontificale Vox in Rama : il y affirma que les petits félins étaient utilisés dans des rituels sataniques. Ceux-ci restèrent néanmoins très appréciés des fermiers, qui les utilisaient pour tenir la vermine à l’écart des champs, mais aussi du clergé, qui s’en servaient pour protéger ses précieux manuscrits contre les rongeurs.

 

Néanmoins, les chats servirent fréquemment de bouc émissaires à l’Église lors des crises que traversa l'Europe au Moyen Âge. Que ce soit lors des nombreux épisodes de peste entre le 14ème et le 18ème siècle, ou lors de la chasse aux sorcières qui débuta au 15ème siècle, ils furent très souvent perçus par les hautes autorités religieuses comme des agents de Satan responsables de toutes sortes de maux. Cela explique qu’ils furent souvent persécutés par les populations, y compris lors de divers événements culturels comme les fêtes de la Saint-Jean, au cours desquels les festivaliers avaient parfois coutume de brûler vifs des petits félins. Ce phénomène est toutefois mal documenté et peu étudié par les médiévistes, si bien qu’il est difficile de dire si la violence à l'encontre de ces derniers était ou non monnaie courante, et d’évaluer le poids des superstitions dans les cas de maltraitance envers des chats.

 

Une chose reste cependant sûre : ces derniers n’avaient pas leur place dans le christianisme du Moyen Âge.

L’animal de compagnie préféré des musulmans

Photo en noir et blanc d'un chat devant la Mosquée Hassan II à Casablanca (Maroc)

L’islamisation de l’Afrique du Nord et de l’Asie occidentale mit un terme à la déification des animaux dans les territoires conquis par les musulmans, mais le chat n’en demeurait pas moins un animal très apprécié par les populations locales.

 

Au demeurant, même s’il n’est pas considéré comme sacré dans l’islam, la perception de cet animal dans les cultes de l’Égypte antique et dans le reste du Moyen-Orient influença sans doute les croyances des musulmans à son égard. Certains fidèles pensaient par exemple que ses sens étaient si aiguisés qu’il avait la capacité de percevoir les anges et les djinns, des créatures surnaturelles issues de la mythologie arabe préislamique et qui furent ensuite intégrées à l’islam. Or, ce don n’est pas sans rappeler les pouvoirs protecteurs que lui accordaient les Égyptiens dans l’Antiquité. Dans certains contes associés au folklore islamique, le chat est d’ailleurs chargé de la protection du foyer contre les djinns.

 

Le Coran ne contient pas d’instructions particulières relatives à la manière de traiter cet animal, mais de nombreux hadiths (des paroles du prophète rapportées par des tiers) influencèrent grandement l’attitude à adopter à leur égard. Il faut dire que Mahomet (570-632) les considérait comme son animal de compagnie préféré, en raison de leur propreté. De fait, les chats connurent une existence bien plus paisible au Moyen Âge dans le monde arabe qu'en Europe.

En Asie, un rôle mineur mais des croyances persistantes

Un maneki neko avec des pièces en or autour de lui
Un maneki neko

En Asie de l’Est, le chat fut également (et continue d’être dans une certaine mesure) l’objet de nombreuses superstitions. En revanche, il est rarement présent dans les religions et brille globalement par son absence dans les panthéons orientaux.

 

En effet, la seule divinité majeure prenant la forme d’un chat est la déesse Li Shou, la gardienne des champs dans la Chine ancestrale, représentée sous ces traits en raison sans doute du rôle de souricier du petit félin. 

 

L’hindouisme comprend un nombre conséquent de divinités ayant les traits d’animaux, mais pas une seule n’est un chat. La seule présence du petit félin est aux côtés (ou plutôt en dessous) de Shashthi, une déesse mineure associée à la grossesse et à la petite enfance, qui est parfois représentée en train d’en chevaucher un.

 

Quant au bouddhisme, il prône certes le respect ainsi que la tolérance envers toutes les créatures et va même jusqu’à considérer plusieurs animaux comme sacrés (notamment le lion, l’éléphant, le serpent ou encore le singe), mais le chat n’en fait pas partie. Il n’en reste pas moins un animal très apprécié des moines bouddhistes.

 

Le chat est également absent du panthéon du shintoïsme, la croyance ancestrale du Japon. C’est potentiellement dû entre autres à son arrivée tardive sur l’archipel, puisqu’il n’y fut introduit qu’en 538 ou 552 après J.-C. Au demeurant, comme dans l’Europe moyenâgeuse, il fut l’objet au cours des siècles suivants de nombreuses superstitions négatives, probablement en raison de son comportement erratique.  On l’associa ainsi à certains yokais, des créatures surnaturelles dotées de pouvoirs maléfiques qui passent leurs temps à tourmenter la population. Ce n’est qu’à partir de l’ère Edo (1603-1868) que son image commença à évoluer positivement, avec notamment la diffusion des premiers maneki neko, ces figurines représentant un chat levant la patte censées apporter à leur propriétaire chance et fortune.

Article détaillé : Le chat dans l'Histoire en Asie

Les félins sacrés de l’Amérique précoloniale

Une représentation du Mishibizhiw accompagné d’un canoë et de deux serpents, au Lake Superior Provincial Park (Canada)
Le Mishibizhiw

Le chat domestique ne fut introduit en Amérique qu’au 15ème siècle, lors de l’arrivée des colons européens. Cela explique qu’il n’était pas présent dans les croyances des peuples de l’Amérique précoloniale.

 

Il existait cependant déjà sur ce continent des félins sauvages – à commencer par le lynx et le cougar, qui prêtaient leurs traits à diverses créatures mythologiques. Une des plus connues est la panthère d’eau (aussi appelé Mishibizhiw ou Mishupishu, ou simplement Grand Lynx), un monstre aquatique malveillant possédant un corps de lynx ou de cougar ainsi que des cornes de bison ou de daim. Il était présent dans les croyances des peuples de la région des Grands Lacs, notamment les Algonquins et les Ojibwés, ainsi que dans celles du culte méridional, un système religieux présent dans le sud-est de l’Amérique du Nord entre le 13ème siècle et le milieu du 17ème siècle.

 

Pour d’autres, les félins en général et le lynx en particulier étaient des animaux sacrés qu’il fallait traiter avec le plus grand respect. La tribu des Zuñis, qui occupa jusqu’à la fin du 19ème siècle l’actuel Nouveau-Mexique ainsi que l’Arizona, croyait par exemple que le lynx pouvait voir le futur. Lorsqu’ils partaient à la chasse, les Zuñis portaient même des amulettes gravées à son effigie. À l’inverse, les Oglalas, qui vivaient dans l’actuel Dakota du Sud, évitaient les félins à tout prix, car ils pensaient qu’ils portaient malheur.

 

Les Mayas et les Aztèques considéraient aussi le lynx comme sacré et le pensaient capable de voir à travers les objets solides. Pour autant, il n’était pas associé à quelque divinité que ce soit dans leurs mythologies respectives.

 

Le jaguar en revanche avait cet honneur. En effet, tant les Aztèques que les Mayas et leurs prédécesseurs les Olmecs vénéraient des divinités prenant la forme de ce grand félin. Chez les Aztèques, il s’agissait de Tepeyollotl, le dieu des grottes, des tremblements de terre et des jaguars eux-mêmes ; c’était un des avatars de Tezcatlipoca, et le plus craint de tous les dieux. Les Mayas quant à eux avaient de nombreuses divinités prenant ces traits, dont le dieu L. Associé au commerce, à la richesse et à la magie noire, ce dieu très ancien possédait des oreilles et un manteau en peau de jaguar. Quant aux Olmecs, ils vénéraient l’Homme-jaguar, une divinité hybride mi-homme mi-animal possédant la fourrure, les griffes et les dents de ce félin.

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Les chats dans la religion
Par Nicolas C. - Dernière modification : 02/05/2025.