Les textes majeurs du bouddhisme ne mentionnent jamais les chats. Pourtant, ces derniers sont depuis longtemps présents dans les communautés bouddhistes : il n’est pas rare d’en voir vagabonder dans les temples, ou à proximité de ces derniers.
Il faut dire que certains moines et adeptes n’hésitent pas à prendre soin d’eux - ce qui n’est d’ailleurs pas étonnant, car cette religion encourage les fidèles à traiter les animaux avec respect et compassion.
Pour autant, les textes sacrés du bouddhisme ne disent rien sur la possibilité ou non d’adopter un chat - ou d’ailleurs un quelconque autre animal. Le faire peut néanmoins sembler contraire aux principes du bouddhisme, puisque c’est prendre le risque de se lier émotionnellement à lui. En effet, cette religion qui met l’accent sur l’élévation spirituelle afin d’atteindre le nirvana (c’est-à-dire la fin du cycle incessant de renaissances par lequel passe tout être vivant) alerte sur les dangers de l’attachement vis-à-vis de tout ce qui a trait au monde matériel.
La question est cependant loin de faire consensus – d’où le fait que de nombreux adeptes ne rechignent guère à partager leur quotidien avec un animal. Certains vont même jusqu’à affirmer que le comportement des chats peut être considéré comme une véritable source d’inspiration. C’est le cas notamment de l’Américain Alan Peto, pratiquant et spécialiste du bouddhisme, auteur en 2020 du livre The Buddhism Secrets of Cats: Discovering the Hidden Lives and Teachings of Buddhist Cats. Il y explique comment ces animaux l’inspirent dans sa pratique spirituelle. Leur détachement, leur pleine conscience de leur environnement et leur caractère indépendant sont ainsi autant de qualités que certains adeptes cherchent eux-mêmes à acquérir dans leur vie spirituelle.
En tout cas, si l’on prend effectivement la décision d’adopter un chat, peut un jour se poser la question de l’euthanasie dès lors qu’il souffre fortement et qu’il n’y a aucun espoir que les choses s’améliorent. Or, le premier des cinq préceptes du bouddhisme est l’interdiction de tuer quelque créature que ce soit : cela explique que dans certains pays à majorité bouddhiste comme la Thaïlande, il est généralement très compliqué de trouver un vétérinaire acceptant de pratiquer cet acte médical. À la place, certains propriétaires qui ne veulent pas endurer d’assister impuissants aux souffrances de leur animal de compagnie préfèrent le déposer devant un temple, afin que les moines prennent soin de lui jusqu’à la fin.
Le lama Zopa Rinpoche (1946-2023), étudiant dévot du Dalaï-Lama, souligne toutefois dans une discussion avec une vétérinaire que la question de l’euthanasie est plus compliquée que cela. Il argue en effet qu’une personne mettant fin aux jours d’un animal souffrant, en dépit du fait que cela risque d’affecter négativement son karma, fait acte de compassion. Une telle action peut donc au contraire être considérée comme vertueuse, mais tout dépend en réalité du karma de l’animal en question. En effet, l’euthanasie ne lui est réellement bénéfique que s’il est en passe d’obtenir une réincarnation plus favorable. Dans le cas contraire, la souffrance qu’il connaît dans ces derniers moments n’est rien comparé à ce qui l’attend dans sa prochaine vie : cette intervention n’est donc pas un acte de bonté.
Le lama invite donc les praticiens à demander avant une éventuelle euthanasie l’aide d’une personne possédant le don d’abhijñā, c’est-à-dire une connaissance supérieure et surnaturelle du monde qui lui permet de savoir quelle réincarnation attend l’animal : cela permet de savoir s’il s’agit ou non d’une bonne décision.
Si la question de l’euthanasie dans le bouddhisme est si compliquée, c’est parce que la façon dont celui-ci considère les animaux demeure ambiguë.
Certes, ses préceptes exigent que ces derniers soient traités avec le plus grand soin, mais les bouddhistes considèrent aussi que la vie d’un animal est faite de souffrance et que se réincarner en l’un d’entre eux est une punition que subissent ceux qui au cours de leur vie précédente n’ont pas suivi les principes de cette religion.
En tout état de cause, si le bouddhisme souligne que les chats doivent être bien traités, il ne les considère pas moins comme étant inférieurs aux humains.