Cette affiche publicitaire est réalisée en 1932 par l’artiste français Adolphe Édouard Jean Marie Mouron (1901-1968) pour promouvoir le vin tonique Dubonnet, créé au 19ème siècle par un chimiste du même nom et aromatisé essentiellement au quinquina.
Ce dernier est un arbuste ou un petit arbre à feuillage persistant de la famille des rubiacées. Il est originaire des forêts de montagne humides de Colombie, d’Équateur, du Pérou et de Bolivie, et pousse entre 1600 et 2700 mètres d’altitude. Il est exploité pour son écorce dont on tire la quinine, une substance naturelle fébrifuge (c’est-à-dire qui combat et guérit la fièvre) et antipaludéenne. Par ellipse, le terme quinquina désigne parfois simplement l'écorce de quinquina (une drogue) ou le vin de quinquina (un apéritif).
Ce dernier voit le jour en 1846 lorsque Joseph Dubonnet (1818-1871), un chimiste français, met au point un médicament contre le paludisme. Celui-ci se distingue toutefois par sa très forte amertume : afin d’y pallier, le scientifique invente et intègre à la préparation une décoction d’herbes et d’épices à base de quinquina ayant une forte saveur. Son épouse a alors l’idée de la servir comme apéritif à des amis, et ces derniers sont conquis par le goût du breuvage original qui leur est ainsi proposé. Les époux créent alors quelques mois plus tard une société à leur nom, spécialisée dans sa production et sa commercialisation. Le bouche-à-oreille fait ensuite son œuvre, et c’est ainsi que naissent le succès et la popularité de la marque.
Dès la fin du 19ème siècle, celle-ci fait créer de premières affiches publicitaires lithographiées par des artistes réputés comme Jules Chéret (1836-1932), célèbre peintre, lithographe et affichiste français, ou Giuseppe Boano (1872-1938), peintre, graveur, affichiste et illustrateur italien. Celle de Chéret met en scène une femme assise tenant dans ses mains un verre et une bouteille de quinquina de la marque, avec un chat blanc installé sur sa robe.
En 1932, c’est au tour d’Adolphe Édouard Jean Marie Mouron, plus connu sous le pseudonyme de Cassandre, de se voir confier la création d’une nouvelle affiche. Tout au long des années 1920 et 1930, cet artiste français à la fois graphiste, typographe, affichiste lithographe, peintre et décorateur de théâtre crée de très nombreuses affiches et maquettes publicitaires qui marquent leur époque.
Pour le vin tonique Dubonnet, il imagine le fameux chat bleu et le slogan « Dubo, Dubon, Dubonnet ». Il s’inspire pour cela des publicités d’une autre marque aujourd’hui bien connue des Français, la célèbre Vache qui rit. L'affiche du chat noir buvant de l'absinthe Bourgeois, dessinée environ un quart de siècle plus tôt par les frères Mourgue, est également une source d’inspiration possible, même si rien d’officiel n’est relaté à ce sujet. Quoi qu’il en soit, le succès est au rendez-vous : tant le petit félin bleu que le slogan font mouche auprès du public
Sur le plan purement esthétique, cette affiche est considérée comme emblématique de l'art publicitaire du début du 20ème siècle, grâce notamment à l’utilisation audacieuse que fait Cassandre des formes, des couleurs et du texte. Il est d’ailleurs réputé pour son style Art déco distinctif, combinant des éléments géométriques et des couleurs vives. En outre, il utilise des lettres stylisées et se limite aux trois couleurs primaires pour attirer l'attention sur le produit. Les postures originales du chat représenté sont un autre aspect qui rend cette création remarquable, en plus de la couleur bleue de l’animal. Le succès est tel que ce dernier devient emblématique de la marque Dubonnet, et le demeure d’ailleurs de nos jours.