Moins connues que les usines à chiots, les usines à chatons sont pourtant tout aussi néfastes pour les animaux qui y vivent ou qui en sont issus. En effet, ceux-ci souffrent de maltraitance physique et psychologique de leur naissance à leur adoption en ce qui concerne les chatons destinés à la vente, et toute leur vie durant dans le cas des reproducteurs.
Il est utile d’en savoir un peu plus sur ces élevages intensifs ainsi que sur les filières qu’ils alimentent, afin de ne pas adopter (souvent contre son gré) un animal qui en provient - et ce faisant contribuer à leur pérennité.
Qu’entend-on exactement par « usine à chatons » ? Comment fonctionnent-elles, et pourquoi posent-elles problème ? Quels sont les risques à adopter un chat qui en provient ? Comment faire pour l’éviter ?
Comme son nom le laisse deviner, une usine à chatons est un lieu d’élevage intensif dans lequel des chats sont regroupés en nombre (généralement sans accès extérieur) et forcés à se reproduire afin d’engendrer le plus de chatons possible, eux-mêmes destinés à être vendus dans les meilleurs délais et à un prix plus faible que celui demandé par les éleveurs sérieux.
Ces animaux sont généralement confinés dans des cages étriquées (souvent empilées les unes sur les autres), ne bénéficient pas d’un suivi médical de qualité, et ne reçoivent pas l’attention ainsi que l’affection nécessaires à leur bien-être psychologique. En outre, la nourriture qui leur est offerte est souvent en quantité insuffisante et/ou de mauvaise qualité. Quant aux conditions d’hygiène, elles sont généralement assez déplorables : leurs excréments sont rarement nettoyés, ce qui est d’autant plus problématique quand on sait que le chat est un animal très attaché à la propreté.
Par ailleurs, les éleveurs soucieux du bien-être de leurs animaux arrêtent de faire se reproduire les femelles lorsqu'elles sont encore assez jeunes (environ 6 ou 7 ans). Cela permet de limiter le risque que leurs chatons aient des problèmes de santé, et les laisse profiter de leurs dernières années en toute tranquillité. En revanche, les femelles des usines à chatons sont exploitées jusqu’à ce qu’elles rencontrent des problèmes reproductifs dus à leur âge avancé : cycles sexuels irréguliers, chatons qui naissent avec des malformations, portées moins nombreuses, maladie… Ensuite, au lieu de leur offrir une retraite bien méritée, elles sont données, abandonnées, voire tuées. Le même sort est réservé aux mâles dès qu’ils ne peuvent plus se reproduire.
En clair, qu’il s’agisse des chatons ou de leurs parents, les petits félins qui vivent dans ces usines ne sont pas considérés comme des êtres vivants sensibles, mais comme de simples marchandises. Le bien-être des animaux ne préoccupe pas les éleveurs qui opèrent ces structures, qui s’assurent simplement que les chatons sont suffisamment présentables pour être vendus, afin d’éviter des pertes. Leur principale préoccupation est de maximiser leurs profits : plus il y a de chatons qui naissent, plus ils gagnent d’argent.
Tout comme les usines à chiots, les élevages intensifs de chats apparurent aux États-Unis après la Seconde Guerre Mondiale (1939-1945). Pour améliorer la situation économique de la région suite à la guerre, le gouvernement américain suggéra aux fermiers du Midwest d’élever des chiens et des chats, car la demande était en hausse. En effet, la classe moyenne, influencée par les médias de l’époque, commençait à considérer qu’avoir un animal de compagnie était nécessaire pour avoir une vie de famille épanouie.
Cependant, les fermiers n’avaient que peu de connaissances sur la santé et le bien-être de ces animaux, et le manque de moyens fit que ces derniers se retrouvaient souvent dans des poulaillers, sans être correctement nourris et soignés.
Par la suite, ces établissements se multiplièrent, à cause notamment de l’émergence des animaleries. Ces magasins étaient très populaires au 20ème siècle, au cours duquel la demande d’animaux de compagnie (surtout des chiens et des chats) bondit un peu partout dans le monde. Un adoptant potentiel pouvait se rendre dans l’animalerie la plus proche (parfois sur un simple coup de tête) et repartir quelques minutes plus tard avec son futur compagnon. Or, la plupart des sujets vendus en animalerie venaient d’élevages intensifs, qui étaient les premiers fournisseurs de ces « magasins d’animaux ».
Les usines à chatons sont plus faciles à établir (voire à cacher) que les usines à chiots. En effet, du fait de la petite taille d'un chat, il est possible de créer une telle structure dans une simple maison ou dans un garage. En clair, quasiment tout le monde peut théoriquement dissimuler un élevage intensif chez soi. On en trouve d’ailleurs un peu partout.
Cela dit, ils se concentrent surtout dans les pays où la législation relative au bien-être animal est des plus laxistes (voire inexistante), surtout s’ils sont situés à côté de pays aux normes plus vertueuses. Ceci explique par exemple que l’Europe de l’Est, où les réglementations sont généralement permissives, abrite beaucoup plus d’usines à chiots et à chatons que le reste du continent.
De même, malgré une forte prise de conscience dans plusieurs États ces dernières années, les États-Unis hébergent encore un grand nombre de ces structures, principalement dans l’ouest et dans le sud-est du pays. À l’instar de son voisin, le Canada a lui aussi laissé prospérer ces usines pendant longtemps – en particulier au Québec, où plusieurs associations estiment leur nombre entre 1500 et 2000. Ce n’est que depuis peu que des efforts sont véritablement déployés afin de mieux réguler – voire faire fermer - ces structures.
La grande majorité des éleveurs opérant une usine à chatons commercialisent des chats de race - ou du moins le prétendent. La plupart d’entre eux maximisent leurs gains en se concentrant sur les races les plus populaires ; ils produisent des chatons en grande quantité et les vendent à des prix défiant toute concurrence. Le Persan, le Maine Coon ou encore le Scottish Fold figurent ainsi parmi les chats très prisés du grand public qu’on trouve le plus souvent dans ce genre d’établissements.
Séduits par ce qui semble être une bonne affaire, nombre d’acheteurs mal renseignés achètent avec enthousiasme les petits félins qui leur sont proposés, sans se poser davantage de questions. Quant aux éleveurs, en vendant en continu un grand nombre de chats qui n’ont pas coûté grand-chose à produire, ils génèrent rapidement des bénéfices conséquents - même s’ils vendent leurs animaux à des prix sensiblement inférieurs à la norme.
La vente de chatons issus des élevages intensifs se fait principalement à l’aide de deux canaux : les animaleries et internet. Dans un cas comme dans l’autre, les vendeurs n’ont aucun scrupule à tromper les acheteurs quant à l’origine des animaux, afin de les inciter à les acheter.
Historiquement, les animaleries sont des magasins dans lesquels sont vendus les animaux de compagnie les plus répandus : chiens, chats, rongeurs, poissons, reptiles et oiseaux. Étant donné leur propension à écouler des animaux en nombre, trouver des fournisseurs capables justement de leur en fournir en grande quantité (c’est-à-dire précisément ce que proposent les usines à chatons) est pour elles une aubaine, plutôt que d’avoir à traiter avec une myriade de petits éleveurs.
Les élevages intensifs y trouvent aussi largement leur compte : même s’ils doivent alors éventuellement rogner un peu sur leur marge, travailler avec des animaleries leur assure un débouché de choix pour écouler un grand nombre de chatons tout au long de l’année. En outre, il est beaucoup plus simple et efficace pour eux de traiter avec une ou quelques animaleries que de gérer en direct des centaines d’adoptants indécis : cela leur permet de maximiser leurs revenus et leurs profits.
Les animaleries y trouvent également largement leur compte sur le plan financier : elles s’approvisionnent à moindres coûts (et en fermant l’œil sur la provenance ainsi que les conditions d’élevage et de transport des chats) puis revendent les animaux parfois deux fois plus cher que le montant payé à l’éleveur, s’offrant alors une confortable marge.
Les animaleries contribuent donc non seulement à la prospérité des élevages intensifs, mais aussi au trafic d’animaux et aux importations illégales ; c’est ce qui explique qu’elles sont de plus en plus décriées. Un peu partout dans le monde, les défenseurs de la cause animale les ont de plus en plus dans le viseur, et dans certains endroits le législateur leur emboîte le pas.
C’est le cas par exemple en Belgique, où depuis 2009 il est interdit aux animaleries de vendre des chiens et des chats, sauf si elles les ont elles-mêmes élevés. Autrement dit, seuls les éleveurs peuvent désormais céder des animaux à titre onéreux.
La Grande-Bretagne a pour sa part décidé d’interdire purement et simplement le commerce de chats et de chiens en animalerie par le biais de la loi Lucy, votée en 2020.
La Suisse a un positionnement assez proche, puisque ces magasins peuvent vendre des rongeurs, des reptiles, des poissons ainsi que des oiseaux, mais pas des chats ou des chiens.
Au Canada, certaines collectivités locales ont également pris des mesures dans ce sens. C’est le cas notamment de la ville de Montréal, qui depuis 2019 bannit la vente de chiens, de chats et de lapins dans les animaleries.
La France va suivre l’exemple : dans le cadre du vote d’un projet de loi contre la maltraitance animale en 2021, les députés de l’Assemblée nationale ont adopté un amendement interdisant la vente de chats et de chiens dans les animaleries dès 2024. Certains responsables politiques militent même pour une interdiction totale de la vente d’animaux en animalerie, quelle que soit l’espèce.
Grâce à une prise de conscience mondiale sur le sujet du bien-être animal, de plus en plus de pays bannissent la vente de chiens et de chats - voire de tous les animaux de compagnie - dans les animaleries, ou s’apprêtent à le faire.
Le problème est que dans le même temps, Internet fournit aux éleveurs malhonnêtes différents moyens de continuer à vendre leurs animaux – y compris en direct à des particuliers. Il leur offre ainsi de nouveaux débouchés et une parade face aux régulations qui encadrent de plus en plus leur canal de distribution historique, les animaleries – quitte d’ailleurs à se passer totalement de ces dernières.
En facilitant grandement les contacts entre vendeurs et acheteurs, Internet peut même susciter de nouvelles vocations, car il rend plus facile pour quiconque de créer son propre élevage intensif et d’écouler sa production en direct.
Les élevages intensifs qui sévissent sur Internet utilisent plusieurs techniques pour tromper les potentiels acheteurs.
Tout d’abord, ils vendent le plus souvent leurs chats grâce à des petites annonces, afin de pouvoir garder le contrôle de la discussion et choisir les informations qui sont partagées. Ces annonces sont la plupart du temps mensongères et tentent d’attirer les acheteurs en proposant des prix bien inférieurs à ceux d’éleveurs dignes de confiance. Les conditions de vie des petits félins n’y sont pas exposées, et les photos qui y figurent ne montrent évidemment pas les conditions dans lesquelles ils sont nés et grandissent. Parfois, ces images sont même retouchées, voire purement et simplement fausses.
De plus, les éleveurs n'hésitent pas à faire établir de faux passeports, carnets de vaccination et/ou certificats vétérinaires, afin de rassurer l'acheteur tout en donnant l’impression d’être en conformité avec la loi.
Par ailleurs, il est généralement impossible de se rendre sur place, afin que les conditions dans lesquelles les animaux sont élevés restent cachées. Certains éleveurs vont toutefois jusqu’à proposer une visite en transférant alors l’animal au domicile d’un complice, ce qui permet de le présenter dans un environnement nettement plus rassurant.
Enfin, tout comme dans les animaleries, il n’est pas rare que le chaton soit lavé et parfumé juste avant sa vente pour que l’acheteur ne se rende compte de rien.
Les usines à chatons rapportent beaucoup d’argent, et c’est bien cela le problème. En effet, le marché de la vente d’animaux de compagnie est énorme.
En France par exemple, environ un foyer sur deux comporte un compagnon à quatre pattes, et le chat est de loin l’espèce la plus populaire. Selon les données de la FACCO (fédération des Fabricants d'Aliments pour Chiens, Chats et Oiseaux), il y aurait ainsi près de 15 millions de petits félins domestiques en France, et le chiffre est en augmentation constante.
En Belgique, d'après un sondage effectué en 2020 par l'institut Ipsos pour le compte de l'association GAIA (Groupe d'Action dans l'Intérêt des Animaux), ils seraient un peu plus de 3 millions.
La Suisse en compterait pour sa part près de 2 millions, d'après les statistiques de la VHN (Société pour l'alimentation des animaux familiers).
Quant au Québec, un sondage mené en 2021 par Léger et commandé par l’AMVQ (Association des Médecins Vétérinaires du Québec) estime leur nombre à un peu plus de 2 millions, soit près du double des chiens.
Quel que soit l'endroit, le nombre d’adoptions annuelles est donc conséquent lui aussi, d’autant que l’espérance de vie moyenne d’un chat domestique n’est que de 15 ans.
Cette demande ininterrompue et croissante encourage les éleveurs malhonnêtes à continuer leur activité, malgré les arrestations et les amendes qu’ils risquent. Il faut dire que l’appât du gain est fort : selon certains témoignages et suivant le nombre de chats à vendre, il serait possible de dégager une marge pouvant atteindre 5000 euros par semaine.
Ce chiffre peut paraître énorme, mais il faut garder en tête que contrairement à ceux qui font leur travail avec sérieux, ces éleveurs dépensent le moins d’argent possible pour prendre soin de leurs animaux. Alors que les premiers s’assurent que leurs chats aient suffisamment d’espace, entretiennent leurs enclos, sollicitent régulièrement un vétérinaire et de façon générale sont attentifs à leur bien-être (santé, nutrition, socialisation…), les seconds ne font rien de tout cela : leurs coûts sont donc des plus réduits. Dès lors, même en les vendant beaucoup moins cher, ils font autant - voire plus - de bénéfices par chaton que les éleveurs professionnels.
Surtout, ils en cèdent un nombre bien plus élevé. En effet, la production de chatons dans ces usines est impressionnante : comme les femelles n’y sont pas ménagées, elles peuvent mettre au monde 3 fois par an, après une durée de gestation de 60 jours environ. Sachant que chaque portée compte en moyenne 4 chatons, il suffit donc d’une dizaine de femelles reproductrices pour produire 120 chatons en une année. Les usines à chatons n’ont ainsi aucun scrupule à forcer un grand nombre de chats à se reproduire à un rythme effréné, jusqu’à-ce qu’ils soient trop âgés pour procréer ou, dans le cas des femelles, que les gestations à répétition aient eu raison de leur santé - voire de leur vie.
Cette manière de faire explique en tout cas que des petits sont disponibles en grandes quantités, et ce tout au long de l’année. Les chatons provenant de telles structures inondent donc le marché, alors que ceux proposés par les éleveurs sérieux ne sont disponibles qu’en nombre limité et uniquement pendant certaines périodes.
Certains adoptants croient flairer la bonne affaire lorsqu’ils voient un chat de race proposé à un prix plus intéressant que ceux habituellement pratiqués. Mais si l’animal provient d’une usine à chatons, il y a de fortes chances que le rêve vire au cauchemar, car les conditions de vie exécrables dans lesquelles il est né et a grandi sont fortement susceptibles d’avoir des répercussions à plus ou moins brève échéance sur son état physique et/ou mental.
Le problème le plus évident que posent les usines à chatons est d’ordre sanitaire, car elles ne respectent pas bien des normes élémentaires en la matière – que celles-ci soient ou non imposées par la loi. En effet, les conditions dans lesquelles vivent les chats sont la cause de toutes sortes de problèmes.
Ainsi, la saleté et l’accumulation d’excréments favorisent l’apparition de maladies et d’infections, comme des maladies fongiques, la teigne et des infections des yeux.
En outre, lorsque certains individus développent une maladie contagieuse, telles la conjonctivite ou la teigne, la promiscuité entraîne une diffusion rapide de celle-ci, créant potentiellement une épidémie.
Les petits félins présentent aussi fréquemment des blessures au niveau de leurs griffes et de leurs dents, et celles-ci ne sont pas forcément traitées – surtout tant qu’elles n’empêchent pas de les vendre.
Enfin, l’alimentation donnée aux animaux vivant dans ces usines est souvent de piètre qualité. En effet, toujours dans l’optique de faire le plus d’économies possibles, les éleveurs fournissent aux parents et aux petits de la nourriture peu chère et qui ne couvre pas correctement leurs besoins nutritionnels – a fortiori si elle n’est pas donnée en quantité suffisante. Or, ceci peut avoir des conséquences néfastes tant à court qu’à long terme : en particulier, donner une alimentation inadaptée à un chaton a de grandes chances d’entraîner des retards de croissance et/ou des faiblesses osseuses ou articulaires, qui tous sont susceptibles de l’handicaper pour le restant de ses jours.
Une autre conséquence dramatique de l’élevage intensif est la consanguinité. Comme les félins sont forcés à se reproduire entre eux à un rythme effréné, il arrive que certains chatons soient le résultat de mariages consanguins. En effet, pour gagner du temps et de l’argent, les précautions qui sont normalement mises en place dans les élevages sérieux (notamment la vérification des profils génétiques des reproducteurs envisagés) ne le sont pas dans les usines à chatons.
Or, la consanguinité peut causer toutes sortes de problèmes : malformations (notamment cardiaques et dentaires), nanisme, système immunitaire déprimé… Elle implique aussi un taux de mortalité néo-natale plus élevé, c’est-à-dire qu’une proportion plus grande des bébés ne survivent pas une fois venus au monde.
À nouveau, le fait que les chatons soient vendus très jeunes est de nature à tromper les acheteurs : cela maximise les chances qu’ils ne présentent pas encore de signe de consanguinité excessive lors de leur achat.
Cela dit, il convient de noter qu’en soi la consanguinité n’est pas toujours un problème. C’est même la raison pour laquelle les chats de race existent. En effet, lors du développement d’une nouvelle race, le pool d’individus disponibles est souvent des plus limités : il est donc parfois nécessaire de marier des chats de la même lignée, en veillant toutefois à ne pas dépasser un taux de consanguinité d’à peu près 20%. Au-delà de ce seuil, la pratique devient dangereuse. À l’instar du LOOF (le Livre Officiel des Origines Félines), de nombreux organismes félins officiels acceptent d’ailleurs que les chats présentent un certain pourcentage de consanguinité. Ce sont les mariages consanguins à répétition et les pourcentages de consanguinité trop élevés (comme lors de l’accouplement d’un chat avec un de ses chatons, par exemple) qui sont dangereux et qui peuvent donner lieu à des malformations physiques.
Même en l’absence de consanguinité, des maladies ou des malformations peuvent être transmises par un mauvais mariage. Pourtant, très souvent, cela aurait pu être évité. En effet, grâce aux progrès de la médecine vétérinaire, il existe désormais de nombreux tests génétiques permettant de savoir si un individu est porteur de tel ou tel gène susceptible de causer pour ses descendants un certain problème de santé.
Par exemple, un petit Maine Coon peut souffrir d’atrophie musculaire spinale si ses parents n’ont pas été correctement sélectionnés, quand bien même eux sont en parfaite santé. De manière similaire, deux Persans n’ayant aucun problème en apparence mais non compatibles sur le plan génétique peuvent donner naissance à des chatons atteints de polykystose rénale.
Les tests disponibles – et ceux qui méritent fortement d’être effectués - ne sont pas forcément les mêmes pour toutes les races, car chacune présente des risques spécifiques. Certaines races sont d’ailleurs particulièrement touchées par les affections héréditaires (que ce soit en nombre de maladies concernées et/ou en prévalence de ces dernières), tandis que d’autres le sont nettement moins.
Quoi qu’il en soit, faire tester les individus qu’on envisage de faire se reproduire a un coût – sans même parler du manque à gagner quand il faut en écarter un car il présente un tel risque. Contrairement aux éleveurs qui font correctement leur travail, les personnes qui opèrent des usines à chatons ne s’embarrassent pas de telles précautions.
Les petits qu’ils proposent sont donc davantage susceptibles de développer tôt ou tard (parfois des années après l’adoption) une maladie d’origine héréditaire, qui aurait pu être évitée si un travail de sélection des reproducteurs avait été effectué.
Les élevages intensifs ne posent pas seulement problème en termes de santé physique, mais aussi en termes de santé mentale, car la maltraitance psychologique y est très présente.
En premier lieu, les chatons souffrent d’un manque d’affection et d’attention de leur naissance jusqu’à leur éventuelle adoption. C’est d’autant plus vrai qu’ils sont parfois séparés de leur mère – voire vendus - avant même d’être sevrés, c’est-à-dire avant d’avoir atteint 8 à 10 semaines ; ils n’ont alors pas passé assez de temps auprès d’elle pour être correctement sociabilisés.
En effet, pendant les premières semaines de leur vie et justement pendant la période de sevrage, les chatons domestiques doivent entre autres apprendre où manger et faire leurs besoins, s’habituer à la présence humaine, reconnaître les odeurs du monde qui les entoure, apprendre les codes communicationnels de leur espèce, etc. Normalement, c’est surtout la mère qui se charge de cet apprentissage. Or, dans certains élevages intensifs, les petits en sont séparés prématurément, afin que celle-ci se prépare à engendrer une nouvelle portée. À la place, ils se retrouvent entassés dans des cages étroites, parfois à plusieurs, sans contact avec leur mère, et sans non plus que l’éleveur compense d’une quelconque manière.
En outre, le peu de contacts qu’ils ont avec ce dernier et avec leurs camarades d’infortune ne représente clairement pas une socialisation digne de ce nom. Or, avoir l’occasion de fréquenter tous types d’humains ainsi que d’animaux, mais aussi de vivre toutes sortes d’expériences dans divers environnements, est primordial pour le développement sensoriel et psychologique d’un chaton, afin qu’il devienne un adulte à l’aise en toutes circonstances. Au lieu d’être ainsi stimulés intellectuellement, d’interagir de mille manières avec le monde qui les entoure (par exemple à travers le jeu), ils s’ennuient ferme.
Si on ajoute à tout cela le fait qu’ils sont souvent affaiblis et/ou mal nourris, on comprend mieux pourquoi ils en viennent souvent à manifester des signes de stress, de peur ou encore d’agressivité. Un animal qui n’a pas grandi dans de bonnes conditions a toutes les chances de rester longtemps mal dans sa tête, avec tous les désagréments que cela implique tant pour lui que pour ses propriétaires.
Pour éviter la multiplication des problèmes qu’implique la pratique de l’élevage intensif ou éviter qu’ils ne deviennent trop visibles pour les acheteurs potentiels, les éleveurs cherchent à vendre les chatons le plus vite possible, les arrachant à leur mère alors qu’ils ne sont parfois pas sevrés. Certains n’hésitent pas à créer de faux documents en vue de faire croire qu’ils ont atteint l’âge minimum légal pour être cédé (qui est par exemple de 7 semaines en Belgique et 8 en France ainsi qu'au Québec), alors que ce n’est pas le cas.
Toutes ces pratiques sont évidemment regrettables, et pour certaines même illégales. Or, acheter un chaton issu d’un élevage intensif revient à les cautionner, et même à soutenir financièrement leurs auteurs. Cela pose évidemment un réel problème éthique, surtout que quand on choisit d'adopter c’est généralement parce qu’on aime les animaux...
Un chaton Persan acquis auprès d’un éleveur digne de ce nom peut coûter autour de 1500 euros, et un Ragdoll ou un Sphynx approcher voire dépasser les 2000 euros. Ce ne sont là que des exemples, mais ils montrent qu’indéniablement le prix d’achat des chats de race est souvent élevé. En comparaison, les montants demandés pour des individus issus d’un élevage intensif peuvent sembler alléchants, car ils sont facilement deux fois inférieurs.
Ce serait pourtant une erreur de penser ainsi : même d’un point de vue strictement financier, la bonne affaire qu’on croit réaliser en payant moins cher à l’achat n’en est pas forcément une. Si c’est pour se retrouver avec un animal qui accumule les problèmes de santé ou présente nombre de troubles du comportement, les séances chez le vétérinaire ou le comportementaliste ont tôt fait de revenir plus cher que le montant économisé – sans même parler du stress et de tous les désagréments causés.
Il est donc plus judicieux de dépenser un peu plus pour avoir la certitude d’adopter chez un éleveur sérieux, c’est-à-dire qui sélectionne scrupuleusement ses reproducteurs, offre de bonnes conditions d’existence aux parents et à leurs petits, veille au bon développement psychologique de ces derniers, leur procure un suivi vétérinaire digne de ce nom, etc.
Les problèmes physiques et psychologiques dont est susceptible de souffrir un chaton issu d’un élevage intensif ne mettent pas forcément des années à se manifester : ils sont parfois déjà visibles au moment où il est proposé à l’adoption. Même si les vendeurs font au mieux pour les cacher ou les atténuer, une personne bien informée sur le sujet et vigilante est donc susceptible de les remarquer en observant attentivement, et ce faisant d’être en mesure de soupçonner qu’il provient effectivement d’un tel établissement.
D’autres indices peuvent également mettre la puce à l’oreille, à commencer par le prix demandé ainsi que le comportement du vendeur.
Quel que soit le canal choisi, la première chose à faire quand on envisage d’adopter un chaton est de l’examiner physiquement.
En premier lieu, il faut vérifier qu’il ne présente pas une anomalie à ce niveau, qui pourrait correspondre à une malformation ou encore à une blessure ou fracture qui n’aurait pas été correctement soignée. L’examen de ses mouvements et de sa démarche sont d’ailleurs indispensables, et peuvent permettre de déceler un éventuel problème de ce type.
Il convient également d’inspecter son pelage et sa peau. Par exemple, si cette dernière est recouverte de petites plaques croûtées sans poils, c’est peut-être une conséquence de la teigne. De manière plus générale, un pelage en mauvais état ne doit pas être ignoré. Que la cause soit une maladie ou simplement la saleté, un éleveur digne de ce nom ne laisse en général pas le pelage de ses animaux se détériorer sans broncher.
Il existe aussi un risque de blessure et maladie des coussinets ou des griffes. En effet, s'il manque d’entretien ou vit cantonné dans une cage sans être en mesure de faire ses griffes, il est susceptible de présenter une griffe incarnée ou un coussinet déchiré, voire plusieurs. Il peut même avoir une infection à ce niveau, ou encore peiner à mettre du poids sur une (ou plusieurs) de ses pattes à cause justement d’une atteinte non visible à ses coussinets et/ou à ses griffes, ou suite à une blessure ou maladie qui lui cause des douleurs aux pattes.
Il convient également de se soucier de son état de santé général. Par exemple, s’il a de la diarrhée, de la fièvre, un manque d’appétit ou encore s’il vomit, c’est vraisemblablement qu’il y a un problème quelque part.
Enfin, il est utile de vérifier sa corpulence d’ensemble et de le peser, afin de s’assurer que son poids est conforme à ce qui est attendu à son âge pour un individu de cette race.
Au final, si le chaton dont on envisage l’adoption présente un ou plusieurs problème(s), il y a tout lieu de s’inquiéter sur les conditions dans lesquelles il a été élevé. Quel que soit le prix demandé, mieux vaut alors passer son chemin et se tourner vers un autre élevage. En effet, s’il est facile de tomber dans le piège de la pitié (et certains vendeurs jouent là-dessus, par exemple si tel ou tel défaut ne peut être caché), il faut garder en tête qu’acheter un animal provenant d’une de ces usines ne fait que soutenir leurs pratiques.
À cause du manque de socialisation et/ou de traumatismes qu’il a subi, un chaton issu d’un élevage intensif a de fortes chances de présenter un ou plusieurs troubles de comportement.
Il peut en particulier faire montre d’une agressivité démesurée ou au contraire d’une peur presque panique de tout ce qui l’entoure : humains, animaux, objets ménagers, bruits… S’il feule ou grogne quand on l’approche (que ce soit l’éleveur ou l’acheteur potentiel), c’est potentiellement qu’il a été traumatisé par ce qu’il a vécu.
Il y a également lieu de s’inquiéter face à un chaton qui semble distant et apathique. En effet, un chaton est normalement curieux, énergique et joueur. Dans le cas contraire, c’est potentiellement que quelque chose ne va pas, sur le plan physique ou psychologique.
Certes, le fait qu’un chaton présente un comportement anormal ne veut pas forcément dire pour autant qu’il provient d’un élevage intensif. C’est toutefois un indice qui doit mettre la puce à l’oreille, et amener à envisager cette hypothèse puis tâcher d’y voir plus clair – voire simplement à passer son chemin, pour éviter d’adopter un animal qui ne soit pas parfaitement équilibré.
Lors de l’achat d’un chaton, la règle d’or est de se méfier de ce qui paraît trop beau pour être vrai. Si une annonce propose un chat de race à un prix inférieur à la norme du marché, c’est potentiellement que des économies ont été faites quelque part - par exemple dans les soins qui lui ont été prodigués ou la qualité de vie dont il a bénéficié.
Un prix moins élevé est parfois justifié, notamment dans le cas d’un chaton âgé de plus de trois mois ou qui présente un défaut esthétique. En revanche, s'il ne semble pas y avoir de raison particulière, il y a tout lieu d’être suspicieux.
Un des éléments les plus importants à analyser pour éviter d’acheter à son insu un chaton issu d’un élevage intensif est la documentation fournie par le vendeur.
En effet, lors d’une adoption, il doit non seulement signer un contrat de vente en bonne et due forme, dont un des exemplaires est conservé par l’acheteur, mais aussi donner à ce dernier la carte d’identification de l’animal ainsi qu’un certificat établi par un vétérinaire attestant que celui-ci est en bonne santé. En outre, dans le cas d’un chat de race, il doit être en mesure de présenter un document attestant de son pedigree ou au moins de montrer qu’il a fourni à l’organisme qui gère le registre national des chats de race (par exemple le LOOF dans le cas de la France) la déclaration de saillie et de naissance du petit, si bien que le pedigree suivra en temps voulu.
Or, les responsables d’usines à chatons ainsi que leurs revendeurs n’hésitent pas à fournir de faux documents, ou des documents étrangers dont il est difficile de vérifier l’authenticité. Si les pièces fournies sont dans une autre langue, s’il en manque ou si elles paraissent suspects de quelque manière que ce soit, il ne faut pas hésiter à se tourner vers un organisme officiel, le club de race, un vétérinaire voire un autre éleveur, afin de tirer les choses au clair. Ainsi, étudier attentivement les différents documents présentés peut permettre de réaliser qu’on est face à une personne malhonnête.
Au-delà des documents relatifs à l’animal, il ne faut pas non plus hésiter à s’interroger sur la légitimité de l’éleveur lui-même. En effet, ce métier est généralement encadré. Par exemple, en France, toute personne qui vend des chats ou fait naître plus d’une portée par an doit pouvoir attester d’une déclaration en préfecture (pour laquelle elle doit notamment présenter une certification professionnelle). En outre, dans tous les cas, elle doit avoir le statut de professionnel, c’est-à-dire posséder un numéro de SIRET. Enfin, si elle propose des chats de race, elle doit aussi être détentrice d'un affixe dûment enregistré auprès du LOOF (Livre Officiel des Origines Félines). Quel que soit le pays où on réside, si l’éleveur ne dispose pas d’un ou plusieurs des documents prévus par la réglementation en vigueur, il est préférable de passer son chemin.
Les éleveurs qui proposent plus de 3 ou 4 races différentes doivent être évités. En effet, un professionnel digne de ce nom préfère généralement se cantonner à une ou deux races, car il sait qu’il est nécessaire de les connaître sur le bout des doigts pour faire du travail de qualité et proposer des petits qui présentent les meilleures garanties en termes de santé et de comportement.
Il est aussi recommandé de bien observer le comportement du vendeur. S’il ne pose aucune question sur la vie qui attend le chaton chez son nouveau propriétaire, c’est que le bonheur de l’animal ne l’intéresse pas. Or, les éleveurs honnêtes créent souvent un lien très fort avec leurs chats et se préoccupent de leur bien-être après leur adoption.
En outre, s’il apparaît que l’éleveur manque de connaissances sur la façon de s’occuper de l’animal et ne donne pas de réponses claires à d’éventuelles questions à ce sujet, il y a tout lieu de s’interroger sur son expertise ; mieux vaut alors ne pas aller plus loin.
Enfin, s’il refuse les visites de son élevage, c’est-à-dire que l’adoptant vienne voir l’endroit où son potentiel futur compagnon est né et a grandi, ou s’il semble toujours avoir une excuse pour éviter de tels rendez-vous, c’est vraisemblablement qu’il a quelque chose à cacher. C’est clairement un comportement qui doit inciter à passer son chemin et se tourner vers un éleveur plus transparent.
Une manière simple – peut-être même la plus simple de toutes - d’éviter d’acquérir un animal provenant d’une usine à chatons est tout simplement d'adopter son chat auprès d’un refuge ou d’une association de protection animale, plutôt que de l’acheter.
On offre ainsi une nouvelle vie à un animal en détresse, plutôt que d’encourager les pratiques de personnes peu scrupuleuses – voire foncièrement malhonnêtes.
Certes, la plupart des chats de refuge sont déjà adultes, mais il est possible également de trouver des chatons – en particulier si on ne se restreint pas à telle ou telle race en particulier. Du reste, adopter un chat adulte n’a pas que des inconvénients : cela permet notamment d’éviter les mauvaises surprises en termes de comportement, car contrairement à un chaton ce dernier est alors bien établi et a peu de chances de changer radicalement par la suite.
Comme c’est le cas pour tous les trafics très lucratifs, il est difficile de lutter efficacement contre les élevages intensifs. En effet, l’appât du gain pousse régulièrement de nouvelles personnes à se lancer dans ce type d’activités, et le manque d’uniformité des différentes législations (voire leur absence dans certains territoires) rend difficile de limiter le phénomène. En effet, à l’heure d’Internet et de la globalisation, il est facile d’approvisionner en chatons un pays où la réglementation est stricte depuis un pays où elle ne l’est pas…
Un nombre croissant de territoires tentent néanmoins d’endiguer le phénomène et de combattre cette forme de maltraitance animale, souvent avec l’aide d’associations très engagées sur le sujet.
Dans la plupart des pays, la question du bien-être des animaux n’est prise en compte dans la législation que depuis peu. En effet, ils furent pendant longtemps considérés par la loi comme étant de simples objets, et les règles régissant leur production ainsi que leur commercialisation ne différaient pas forcément de celles applicables aux autres marchandises.
Ce n’est véritablement qu’au 19ème siècle que de premières lois anti-cruauté commencèrent à être adoptées dans différents pays développés. Ce mouvement s’intensifia et se diffusa au cours du siècle suivant ; c’est ce qui explique que de nos jours, la grande majorité des pays ont une loi - ou au moins différentes dispositions – visant à protéger les animaux contre les abus et les maltraitances.
Bien sûr, ces lois ne sont pas spécifiquement dédiées à lutter contre l’élevage intensif, mais couvrent le bien-être des animaux de façon générale - par exemple en les considérant en tant qu’êtres vivants dotés de sensibilité, plutôt que de simples choses. Certaines dispositions qu’elles comportent reviennent toutefois à interdire cette pratique.
En France, le chapitre 4 du livre 2 du Code rural et de la pêche maritime est consacré à la protection des animaux. Il contient ainsi plusieurs dispositions interdisant les mauvais traitements et fixant des règles quant à l’élevage d’animaux domestiques. En particulier, l'article R214-17 impose notamment aux éleveurs de procurer des soins adaptés à leurs animaux, mais aussi de ne pas les installer dans des cages qui pourraient causer des souffrances ou les placer dans des lieux qui, pour des raisons d’exiguïté ou d’inadaptation des matériels, pourraient également engendrer des souffrances. Sans pour autant rendre l’existence d’usines à chatons totalement impossible, l’arsenal législatif encadre donc relativement bien l’activité d’élevage de chats.
Il n’en reste pas moins des lacunes que l’État pourrait combler afin de lutter encore plus efficacement contre la présence d’élevages intensifs sur le sol national. Par exemple, les textes ne prévoient pour l’heure aucune disposition quant au nombre maximal de reproducteurs que peut posséder un éleveur, à un âge au-delà duquel il ne serait plus permis de faire se reproduire une femelle, ou encore à une limitation de son nombre de gestations - par exemple sur une année calendaire ou sur 12 mois glissants.
En Belgique, le texte de référence sur le sujet était historiquement la Loi relative à la protection et au bien-être des animaux, qui date de 1986.
Toutefois, en Wallonie trouve aussi à s’appliquer depuis 2018 le Code wallon du bien-être des animaux. Ce dernier interdit par exemple de faire reproduire une chatte de moins de 18 mois ou de plus de 8 ans, et oblige l’éleveur à présenter la mère des petits à l’acheteur.
En Suisse, les lois fédérales les plus importantes relatives à l’élevage d’animaux domestiques sont la Loi sur la Protection des Animaux (LPA), qui date de 2005, ainsi que l’Ordonnance sur la Protection des Animaux dans le Cadre de l’Élevage, adoptée en 2014.
Dans son deuxième chapitre, la LPA fixe des règles fondamentales quant à la manière de traiter les animaux. Quant à l’Ordonnance, elle interdit par exemple dans son article 9 l’élevage de tout animal dès lors qu’il ne peut être détenu conformément à ses besoins ou se déplacer conformément aux besoins de son espèce ; il va de soi qu’un éleveur plaçant ses chats dans des cages étroites ne respecte pas cette condition.
Plus largement, les élevages intensifs violent chacun une ou plusieurs normes fixées par la loi, et risquent ainsi à tout moment d’être confrontés à la justice.
Au Québec, la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal, qui date de 2015, insiste sur la nécessité de reconnaître les animaux comme des êtres dotés de sensibilité. Il existe également un Règlement sur la sécurité et le bien-être des chats et des chiens, qui fixe des règles de base quant au traitement de ces animaux.
Toutefois, la législation québécoise reste assez permissive. Par exemple, s’il faut avoir un permis pour détenir plus de 15 animaux, celui-ci est délivré sans inspection des lieux : il s’agit donc d’une simple formalité administrative, sans le moindre contrôle à la clef. La réglementation est en outre difficile à faire respecter : il est de notoriété publique que le nombre d’inspecteurs du Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) est très faible, si bien que la probabilité de subir un contrôle l’est tout autant.
Au final, le Québec est donc particulièrement laxiste, au point d’ailleurs d’attirer des éleveurs peu scrupuleux en provenance d’autres provinces, qui s’y installent et vendent ensuite leur production dans tout le pays. Au-delà du seul Canada, il est même souvent considéré comme le mauvais élève de la francophonie, au vu du nombre impressionnant de tels établissements qu’il compte sur son sol. Selon les chiffres de la Humane Society International ainsi que ceux de la SPA Canada, on y compterait en effet environ 1500 à 2000 usines à chiots, et presque autant d’usines à chatons.
Que ce soit en France, en Belgique, en Suisse ou au Québec, les responsables d’usines à chatons violent clairement plusieurs dispositions légales. Mais malgré le risque juridique, qui consiste le plus souvent en une amende salée et une interdiction de pratiquer le métier d’éleveur, force est de constater qu’il y existe encore des établissements de ce type.
Il est aisé de penser alors que la loi est défaillante, en considérant qu’elle est insuffisamment protectrice pour l’animal et dissuasive pour l’éleveur. Ce n’est pas forcément si vrai : en réalité, le problème vient surtout du fait qu’il est difficile de trouver les usines à chatons. En effet, ces structures sont faciles à cacher, et il est évident qu’il est impossible de frapper aux portes de tous les élevages pour enquêter…
Du reste, certaines personnes peu scrupuleuses agissent même totalement dans l’ombre : même si cela peut leur faire perdre des clients potentiels faute de pouvoir présenter alors toutes les garanties nécessaires, elles choisissent délibérément de ne pas enregistrer leur élevage selon les modalités prévues par la loi, conscientes que cela entraînerait une plus grande surveillance de leur activité par les autorités.
En outre, ces dernières n’ont aucun contrôle sur les éventuelles usines à chatons d’un pays tiers. Le problème est flagrant en Europe : du fait du principe de libre circulation des biens et des personnes, les pays de l’Ouest sont peu armés pour empêcher les élevages intensifs des pays de l’Est (où la législation est beaucoup plus laxiste, voire inexistante) d’exporter en masse leurs chatons chez eux.
Les usines à chatons sont difficiles à détecter, mais les autorités peuvent trouver dans les particuliers et les associations des alliés de poids. De fait, c’est souvent grâce à des dénonciations que ces établissements sont identifiés et démantelés.
En effet, que ce soit en Europe, en Amérique du Nord ou ailleurs dans le monde, de nombreuses associations de protection animale s’impliquent notamment dans la lutte contre les élevages intensifs de chiots et de chatons.
Cela passe notamment par la sensibilisation de la population, afin de réduire le nombre de personnes adoptant des animaux provenant de ces établissements. Leur travail à ce niveau a d’ailleurs assurément permis une meilleure prise de conscience tant du grand public que du législateur.
En outre, souvent alertées par des voisins ou des adoptants potentiels qui soupçonnent d’avoir affaire à une telle structure, elles ne ménagent pas leurs efforts pour contacter les autorités et obtenir leur soutien. Elles mènent des enquêtes, rassemblent des preuves et font en sorte que des poursuites soient engagées, en vue d'obtenir à la fois la fermeture des usines à chatons et la condamnation des personnes qui en sont à la tête ou complices.
La législation de certains pays permet d’ailleurs aux associations d’être partie prenante dans les actions en justice intentées contre les élevages intensifs, par exemple en se constituant partie civile.
C’est le cas notamment en France, où on peut citer par exemple le travail effectué par la Fondation 30 Millions d’Amis. Elle a œuvré à mettre en lumière l’horreur des usines à chiots via la diffusion d’images choc obtenues au moyen de caméras cachées, et est souvent représentée dans les procédures pénales visant des élevages intensifs, ou plus généralement des cas de maltraitance animale.
En Belgique, le Groupe d’Action dans l’Intérêt des Animaux (GAIA) s’est également montré très offensif sur le sujet, et a beaucoup contribué à l’adoption du Code wallon du bien-être animal, entré en vigueur en 2019.
En Suisse, l’organisation internationale Quatre Pattes a entrepris de nombreuses actions afin de sensibiliser la population au sujet du trafic d’animaux domestiques et de leur vente sur internet. La Protection Suisse des Animaux (PSA) s’implique également sur le sujet : en plus d’alerter elle aussi sur les élevages intensifs, elle mène régulièrement des investigations sur le terrain. Par exemple, elle s’est intéressée aux annonces de vente d’animaux qu’on trouve sur Internet, afin de mettre en lumière le manque de sérieux de la plupart d’entre elles.
Le Québec, longtemps mauvais élève, connaît également une prise de conscience. On le doit notamment à la SPCA de Montréal, dont les actions et les positions sont souvent relayées dans les journaux de la province. Elle saisit aussi parfois, suite à une décision de justice la mandate à cette fin, des chiens et des chats dans des usines particulièrement cruelles. Cela peut paraître peu face à l’ampleur du phénomène, mais cela contribue à permettre aux citoyens de se rendre compte du problème et de faire pression sur les responsables politiques afin d’améliorer les lois et mieux faire appliquer celles qui existent déjà.
On peut citer également le cas de la Companion Animal Protection Society (CAPS), une association américaine connue pour envoyer régulièrement des membres infiltrés dans des usines à chatons pour filmer l’état désastreux de leurs pensionnaires et des lieux dans lesquels ils vivent. Cette association collabore aussi avec le Département de l’Agriculture pour lui signaler des cas de maltraitance.
Même en prenant diverses précautions, il demeure possible d’acheter à son insu un chaton provenant d’un élevage intensif. Dans ce cas, il est utile de dénoncer l’éleveur et ses complices éventuels pour éviter à d’autres personnes de connaître la même situation, tout en essayant d’obtenir pour soi-même l’annulation de la vente. Toutefois, il est rare que cette dernière démarche aboutisse ; la seule chose à faire alors est d’essayer de s’assurer du bien-être du petit félin.
En cas de soupçon concernant l’existence d’une usine à chatons ou une personne qui aiderait cette dernière à écouler sa « production », le bon réflexe est de se rapprocher d’une association voire d’entamer soi-même une procédure, suivant les possibilités qu’offrent les lois de l’endroit où on réside. Cela vaut même dans l’hypothèse où on n’a pas été soi-même victime. L’objectif ultime est alors de contribuer à obtenir une condamnation de l’éleveur, à mettre les chats en sécurité et à faire fermer l’établissement.
Dans tous les cas, il faut veiller à avoir des preuves, les plus accablantes étant bien entendu des photos ou vidéos des lieux ainsi que des chats qui y vivent.
Si on a effectivement adopté un petit félin issu de l’élevage en question et qu’il présente un problème de santé ou un grave trouble de comportement décelé après son adoption, une expertise réalisée par un vétérinaire est nécessaire afin de prouver que le petit souffre d’une maladie ou d’un handicap. Cette expertise vient s’ajouter aux autres preuves éventuelles (par exemple des photos des locaux), en vue de démontrer que les conditions d’élevage des animaux ne respectent pas la réglementation et sont de nature à engendrer différents problèmes chez ces derniers.
Tous les pays possèdent des réglementations visant à prémunir les acheteurs d’éventuels vendeurs peu scrupuleux, voire franchement malhonnêtes. Par exemple, lorsqu’une marchandise présente des défauts qui étaient cachés au moment de la vente, il est possible sous certaines conditions d’obtenir l’annulation de celle-ci, c’est-à-dire de restituer l’objet au vendeur et de récupérer son argent.
Dans le cas des animaux, la loi peut ainsi offrir à l’acheteur la possibilité de se retourner contre l’acheteur et d’obtenir l’annulation de la transaction dans le cas où telle ou telle maladie apparaît dans un certain délai après l’adoption.
Par exemple, la loi française sur les vices rédhibitoires lors de l’achat d’un chat couvre quatre maladies : le typhus, la péritonite infectieuse, la leucose féline et le FIV (sida du chat). Il faut qu’elles soient décelées dans un délai maximum d’un mois suivant l’achat pour qu’une action en rédhibition soit possible. Il est donc primordial de prévoir une visite chez le vétérinaire dans le mois suivant toute adoption, afin de s’assurer que le petit ne présente aucun signe d’une ces maladies - ou avoir la possibilité de faire annuler la transaction dans le cas contraire, certificat vétérinaire à l’appui.
Un chat venant d’un élevage intensif peut parfaitement dans un premier temps ne montrer aucun signe de maltraitance et sembler en parfaite santé. Il n’est pas rare que des signes de mal-être ne finissent par se manifester que plusieurs mois - voire années - après son acquisition. Il est alors généralement trop tard pour obtenir une annulation de la vente, même dans le cas d’une maladie grave. La seule chose est à faire est donc de se concentrer sur son bien-être et de l’aider autant que possible.
Néanmoins, un rendez-vous chez un vétérinaire s’impose après toute adoption, même quand on n’a pas d’inquiétude quant à sa provenance. En effet, si certains problèmes sont visibles à l’œil nu, d’autres au contraire ne peuvent être décelés que grâce à un examen médical. C’est notamment le cas des maladies en développement ou dégénératives, ou encore des malformations internes.
Ce rendez-vous est l’occasion de faire un état des lieux complet, pour savoir si le petit souffre d’une quelconque maladie ou malformation, mais aussi tout simplement par exemple s’il lui manque certains vaccins. Le vétérinaire peut alors proposer un traitement (pour autant qu’il en existe un), et conseiller le nouveau propriétaire sur le meilleur moyen de prendre soin de son compagnon. Dans certains cas, un traitement et/ou un suivi médical à vie s’avère nécessaire.
Par ailleurs, sachant qu’un problème de santé lié aux conditions dans lesquelles l’animal est né et a grandi peut ne se manifester que longtemps après l’adoption, il est important de se rendre sans attendre chez un vétérinaire si un jour des soupçons font surface.
Un chaton issu d’un élevage intensif est également davantage prédisposé à développer différents problèmes comportementaux : agressivité démesurée, manque de confiance, peur excessive... Même s’ils ne se manifestent pas forcément d’emblée, il est recommandé de lui faire passer rapidement un bilan comportemental chez un vétérinaire ou un comportementaliste, afin de déceler d’éventuelles anomalies qui pourraient s’aggraver si rien n’est entrepris pour y remédier.
En effet, les premières semaines sont déterminantes pour la socialisation d’un chaton et son bon développement mental, car c’est à ce moment-là qu’il est le plus malléable. Il est difficile de le faire évoluer par la suite, surtout s’il a été traumatisé par certaines expériences vécues chez l’éleveur. Néanmoins, rien n’est jamais forcément perdu : avec de la persévérance, de la patience et éventuellement l’aide d’un expert (un comportementaliste félin), il est possible de corriger au moins en partie ces comportements et ainsi d’aboutir à une cohabitation plus harmonieuse et agréable pour tout le monde. Or, plus on s’y prend tôt, plus on a de chances de réussir.
Dans tous les cas, les individus issus de ces usines à chatons ont besoin de beaucoup d’attention, d’affection et de douceur pour (re)trouver petit à petit une existence aussi normale que possible dans leur nouveau cadre de vie. Il n’est pas non plus inutile de redoubler d’efforts concernant le suivi de leur santé et leur entretien, afin de réduire la probabilité que des problèmes surviennent effectivement ou être en mesure d’agir au plus vite si c’est le cas.
Un peu partout dans le monde, le bien-être des animaux fait l’objet d’une attention beaucoup plus grande que par le passé. Grâce aux actions de sensibilisation de nombreuses associations ainsi qu’aux efforts du législateur, le problème que représente les élevages intensifs de chats a clairement été mis en lumière. Il arrive d’ailleurs fréquemment que de telles structures soient contraintes de cesser leur activité, et que leurs propriétaires soient condamnés.
Il en reste néanmoins beaucoup, en particulier dans les territoires où l’arsenal législatif sur la question est encore trop peu développé. En outre, même là où il l’est, il n’est pas aisé de trouver et de démanteler les usines à chatons. De fait, si effectivement certaines ferment leurs portes, d’autres apparaissent régulièrement.
Par conséquent, il est important de bien se renseigner avant d’adopter un chat, de manière à ne pas acheter – potentiellement sans le savoir - un animal issu de ce genre d’établissements, et ce faisant d’encourager ces pratiques.