Il existe plusieurs dizaines de races de chats à travers le monde, qui se différencient par leur gabarit, leur pelage, leur couleur de robe ou d'yeux... Mais ce qu'on a tendance à oublier, c'est qu'il en existe un type bien plus répandu que toutes les races de chat les plus populaires au monde : il s'agit bien sûr du fameux chat de gouttière.
D'où vient cette expression ? Combien y en a-t-il dans le monde ? Quelle est l'espérance de vie d'un chat de gouttière, et combien coûte-t-il ? Quelles sont les différences avec la race Européen ?
Le chat de gouttière, aussi appelé chat commun, chat familier ou chat de maison, n'appartient à aucune race en particulier. Il ne possède donc pas de pedigree officiel, n'est pas reconnu par les organismes félins et ne fait l'objet d'aucun programme d'élevage. L'équivalent pour la gent canine est le chien bâtard.
Dans la mesure où par définition il n'est contraint par aucun standard, le chat de gouttière a une grande diversité d'apparence : il peut donc avoir les poils longs ou courts, un pelage uni ou multicolore, des pattes longues ou au contraire plutôt courtes... Il ne doit donc pas être confondu avec le chat Européen, qui est une véritable race répondant à des critères morphologiques précis (par exemple il doit avoir les poils courts).
Le chat de gouttière se distingue également du chat errant (ou chat haret), qui lui est né ou retourné dans la nature et a un mode de vie sauvage ou demi-sauvage : il n'appartient à personne et subvient lui-même à ses besoins essentiels, même s'il peut côtoyer l'être humain de plus ou moins près. De fait, si la plupart des chats errants sont effectivement des chats de gouttière, la réciproque n'est heureusement pas vrai.
L'appellation « chat de gouttière » (ou « alley cat », en anglais) peut sembler étrange pour désigner les chats domestiques vivant dans les foyers. Elle a même une connotation un peu négative, puisqu'elle renvoie à l'image des chats errants, qui déambulent sur les toits des maisons et dans les rues.
Même si son étymologie exacte est inconnue, cette expression serait à mettre au compte des Français, et plus particulièrement des Parisiens : c'est en effet ainsi qu'ils désignaient les chats communs, qui aiment se promener en hauteur et plus particulièrement sur les toits des maisons. D'après le Trésor de la Langue Française informatisé (TLFi), le roman Là-bas de Joris-Karl Huysmans paru en 1891 comprenait déjà l'expression « chat de gouttière » : cette appellation remonte donc au moins au 19ème siècle.
L'histoire du chat de gouttière remonte au début de la domestication du chat par l'Homme, il y a presque 10.000 ans. L'être humain a en effet rapidement compris qu'il pouvait tirer profit des talents de chasseur de ce petit félin pour limiter la prolifération des rongeurs, véritables fléaux dans les champs et vecteurs potentiels de toutes sortes de maladies et parasites.
Au départ, comme le concept de race et de standard n'existait pas, tous les chats étaient en quelque sorte des chats de gouttière, même s'ils pouvaient prendre des formes et des couleurs très différentes.
Ce n'est qu'à partir du milieu du 18ème siècle que la notion de « race de chats » commença à apparaître, afin de classer les petits félins en fonction de leurs caractéristiques physiques. La première nomenclature fut réalisée par le naturaliste suédois Carl von Linné (1707-1778), qui distingua 4 races distinctes : le chat de gouttière, le chat d'Espagne, le chat Angora (probablement l'ancêtre de l'actuel Angora Turc) et le chat des Chartreux, correspondant au Chartreux actuel. Le naturaliste français Georges-Louis Leclerc de Buffon, un contemporain de Linné célèbre pour son imposante Histoire naturelle, définissait quant à lui deux races de plus : une avec des pieds noirs, et une sauvage.
La toute fin du 19ème siècle marqua un tournant majeur, lorsque l'apparition des premières expositions félines modernes (à commencer par celle qui se tint en 1871 au Crystal Palace de Londres) entraîna le début de la standardisation des races et la création des premiers organismes félins. D'autres races furent ensuite créées au fur et à mesure : une sans queue inspirée du Manx, une aux oreilles pliées ressemblant au Scottish Fold, une japonaise proche du Bobtail Japonais, etc.
Aujourd'hui, il en existe environ une centaine, et le chat de gouttière est désormais défini comme « celui qui n'est d'aucune race existante ».
Contrairement à ce que l'on observe par exemple chez le chien, la plus grande partie des chats vivant à nos côtés n'appartiennent à aucune race en particulier : ce sont donc des chats de gouttière. Ils sont issus soit d'autres chats de gouttière, soit de croisements entre plusieurs races distinctes.
C'est en tout cas ce que montrait une enquête réalisée en France entre 2004 et 2005 sur 20.000 foyers par la Fédération des Fabricants d'Aliments pour Chiens, Chats et Oiseaux et autres animaux familiers (FACCO) : les chats de race ne représentent en moyenne que 4,8% de la population féline du pays. Si ce chiffre est avéré, cela signifie donc que plus de 95% des chats français étaient alors des chats de gouttière.
De l'eau a coulé sous les ponts depuis cette enquête, mais ces derniers semblent toujours tenir le haut du pavé. En effet, le LOOF (Livre Officiel des Origines Félines), qui correspond au registre officiel des chats de race en France, recensa en moyenne "seulement" 45.000 nouveaux individus chaque année entre 2018 et 2020. C'est certes beaucoup plus qu'au début du siècle, où ce chiffre se situait plutôt autour de 15.000 enregistrements par an, mais cela ne représente toujours qu'une part minuscule du million de chats naissant tous les ans dans l'Hexagone.
En Suisse et au Canada, la situation est très similaire. En effet, la Fédération Féline Helvétique (FFH) et l'Association Féline Canadienne (AFC) enregistrent chaque année respectivement autour de 2500 et 2000 chats de race. Sachant qu'il naît en moyenne 100.000 chats en Suisse et 500.000 au Canada tous les ans, cela donne une estimation - somme toute grossière - de l'ultra-majorité des chats de gouttière dans ces deux pays.
Comme par définition son apparence n'est pas standardisée et ne doit pas répondre à certains critères morphologiques particuliers, il est impossible de prétendre décrire un chat de gouttière « standard », tout simplement parce qu'il n'existe pas.
En effet, un chat de gouttière peut notamment :
Autant dire que beaucoup de chats d'apparences très différentes sont susceptibles d'être des chats de gouttière. Cela dit, on trouve parmi eux beaucoup de chats tigrés ou rayés, entre autres types de robes.
Ce n'est pas pour rien que chat de gouttière et chat Européen sont souvent confondus : ils se ressemblent en fait beaucoup, aussi bien physiquement qu'en termes de caractère. Et à moins de connaître parfaitement les différences qui existent entre les deux, il n'est pas du tout évident de les distinguer rien qu'en les observant.
Pour le dire vite, l'Européen est en fait une sorte de chat de gouttière bien musclé, à poil court et qui ne ressemble à aucune autre race existante. C'est en tout cas ainsi qu'il est défini dans le standard du Livre Officiel des Origines Félines (LOOF).
Ainsi, là où le chat de gouttière peut avoir un pelage long, frisé ou de tout autre type, l'Européen a forcément une fourrure courte, dense et bien lustrée, qui épouse sa silhouette souple mais compacte. Le sous-poil est présent, sans pour autant être excessif.
Il existe aussi une petite différence en termes de couleur de robe. En effet, seuls les Européens particolores peuvent arborer des taches blanches ; les sujets unis ne doivent pas être tachés de blancs. Les chats de gouttière en revanche, sont libres d'arborer toutes les couleurs et tous les motifs possibles et imaginables.
Le chat de gouttière est souvent considéré comme étant costaud, robuste et restant en bonne santé une bonne partie de sa vie. Il n'est pas prédisposé à des maladies particulières, et son espérance de vie est de l'ordre de 15 à 20 ans.
Rares sont les races à pouvoir en faire autant : l'espérance de vie du Maine Coon est de 12 ans, celle du Siamois se situe autour de 13 ans, le Bengal atteint les 14... Même les races les plus robustes ont du mal à rivaliser avec lui.
Il faut dire que le chat de gouttière possède un avantage de taille : il n'a fait l'objet d'aucun programme d'élevage, et a donc pu conserver une très grande diversité génétique, proche de celle de ses ancêtres sauvages ou semi-sauvages. À l'inverse, de nombreuses races ont été créées à partir d'un pool très réduit, qu'il est difficile d'élargir car les mariages avec des individus d'autres races sont le plus souvent interdits par les organismes officiels : ceci accroît inexorablement le risque de voir apparaître toutes sortes de fragilités et de prédispositions à des problèmes de santé. C'est la situation que connaît par exemple le Mandalay, un chat rare et récent sujet à un grand nombre de maladies génétiques.
Par ailleurs, la volonté de créer des races originales n'est pas sans conséquences sur leur santé : par exemple, les races sans poil craignent le froid et le soleil, tandis que les races naines sont prédisposées à des malformations du squelette plus ou moins graves. Le chat de gouttière est lui à l'abri de ces dérives causées par des programmes de reproduction discutables voire tout bonnement inappropriés.
Compte tenu de la diversité d'apparence et d'origine de cet animal, le prix d'un chat de gouttière est très variable, pouvant aller de 0 à quelques centaines d'euros. Lorsqu'il provient d'un particulier, il est généralement donné ou vendu à très bas prix (quelques dizaines d'euros). Dans le cas d'une adoption dans un refuge, il est cédé en échange d'une somme d'environ 150 euros, mais il est alors déjà identifié, stérilisé et a reçu ses premiers vaccins - autant de dépenses coûteuses qui ne seront plus nécessaires par la suite.
Autant dire que le coût pour adopter un chat de gouttière est bien plus faible que le prix d'un chat de race acheté auprès d'un éleveur professionnel. Pour ce dernier, il faut généralement compter entre 300 et 1000 euros. Certaines races très chères dépassent même les 2000 voire 3000 euros !
Le chat de gouttière est par plusieurs aspects différent du chat de race. Pour autant, la vie quotidienne avec est quasiment la même.
En effet, il est toujours :
Les chats de gouttière ont beau être des petits félins comme les autres ou presque, ils sont toutefois exclus de certaines activités ou pratiques.
Par exemple, même s'il est bien sûr physiquement possible de faire reproduire un chat de gouttière avec un chat de race, il faut savoir que les petits obtenus ne sont généralement pas reconnus comme étant eux-mêmes de race. Il existe quelques rares exceptions pour des races dont la population est très limitée et qui sont en plein développement, afin de diversifier leur patrimoine génétique : c'est le cas par exemple du Lykoï. Cela étant, même lorsqu'elles existent, ces exceptions ont vocation à n'être que temporaires.
Par ailleurs, les chats de gouttière ne peuvent pas :
Tout propriétaire qui possède un chat de gouttière et est curieux de savoir de quelle(s) race(s) existantes il est le plus proche a la possibilité de lui faire faire un test génétique : un minuscule échantillon est prélevé sur sa joue pour analyser son ADN, qui est ensuite comparé à celui d'un grand nombre de races.
Ce test permet de déterminer de quelles races ou types de races l'animal est génétiquement le plus proche. Il compare également son bagage génétique à celui de félins sauvages tels que le guépard ou le puma !
Il est toutefois important de préciser que ce test ne permet pas de déterminer les ancêtres réels du chat en question : ce n'est pas parce qu'il ressemble génétiquement à une race en particulier qu'il en descend réellement.
N'appartenant par définition à aucune race, le chat de gouttière est de très loin le félin le plus répandu sur la planète. Il est à la fois le chat le moins cher, le plus facile à obtenir et aussi le plus robuste. En outre, son apparence est des plus variées : il en existe de toutes les couleurs, de toutes les tailles et de toutes les formes, si bien que chacun(e) devrait être en mesure de trouver son bonheur.
Alors, pour toute personne qui rêve d'avoir un chat mais n'a pas particulièrement en tête de participer à des expositions félines, un bon conseil : foncez !