Le quotidien d’un éleveur de chats

Une personne nourrissant un chaton au biberon

La première partie de notre interview d'un éleveur félin (Frédéric Richard, à la tête depuis plus de 20 ans l'élevage de la Natte-à-Chats) a permis d'en savoir plus sur la façon dont les choses se passent quand on se lance dans ce métier.


Il est temps ensuite de l'interroger sur son quotidien et sur la façon dont elles se déroulent quand vient l'heure de céder ses chatons...

À quoi ressemblent vos journées ?

Une personne nettoyant la litière d'un chat blanc et roux

Dans la nature, les animaux sauvages non nul besoin de l’Homme. Ce dernier a toutefois domestiqué bien des espèces, et ces dernières sont alors au moins en partie dépendantes de lui pour leur entretien. Certains animaux, bien que sauvages, sont aussi maintenus en captivité au sein de parcs animaliers, où travaillent des soigneurs en charge de leur entretien.

 

À la base, être éleveur (de chats ou autre) signifie « organiser des reproductions ». Toutefois, cet aspect n’est qu’assez marginal au quotidien : dans les faits, le métier d’éleveur est d’abord celui de soigneur. Quelle que soit l’espèce, la base consiste à assurer la propreté des lieux, nourrir les animaux et veiller à ce qu’ils n’aient pas de problème de santé ou de comportement.

 

De fait, l’hygiène est primordiale en élevage félin (du fait qu’ils lèchent leurs pattes, les chats se contaminent aisément), et cela commence bien sûr par bien nettoyer les bacs à litière - dont le nombre peut d’ailleurs rapidement être assez élevé. D'ailleurs, ce nettoyage lui-même n’a rien à voir avec ce que les particuliers font pour leur chat de compagnie, puisqu'il est recommandé de pratiquer quotidiennement un changement complet des litières accompagné d’un lavage et d’une désinfection des bacs. L’objectif est de maintenir au plus bas le nombre de microbes (bactéries, virus…) qui se multiplient en permanence dans des lieux clos, et dont les litières ont tôt fait d’être des foyers.

 

Cela dit, l’hygiène est loin de se limiter à l’entretien des litières. En effet, les chats contaminent tout le reste de leur environnement par leurs pattes en revenant des litières, mais aussi par les poils qu’ils perdent, les vomissements de boules de poils (trichobézoards) ainsi que les marquages urinaires. Après les litières, le sol est la partie la plus exposée et sale : il faut passer l’aspirateur puis le laver et rincer tous les jours. Ce nettoyage doit de temps à autres être suivi d’une désinfection : celle-ci est nécessaire au moins une fois par semaine en temps normal, mais tous les jours en cas d’épizootie.

 

Il convient de procéder de façon similaire avec toutes les surfaces et objets qui sont au contact des animaux. Sachant cela, on comprend aisément pourquoi les locaux d’une chatterie sont adaptés pour permettre de pratiquer efficacement et rapidement ces tâches grâce à l’emploi de matériels tels qu’un nettoyeur haute pression pour le lavage et un brûleur pour la désinfection thermique. En effet, moins l’environnement est adapté, et plus le temps passé à l’hygiène est long, ou moins l’hygiène est à la hauteur de ce qu’il faudrait. On ne nettoie pas un élevage comme sa maison.

 

Un chaton installé sur les jambes d'une personne et en train d'être nourri au biberon

En plus de l’hygiène, l’alimentation est bien sûr un autre aspect important - et chronophage. En pleine nature, les chats chassent et bénéficient de la meilleure alimentation possible. En élevage, il est important de leur apporter de la nourriture de haute qualité et adaptée selon l’âge, sachant que les chats de reproduction ont des besoins spécifiques. C’est particulièrement vrai pour les femelles, qui perdent parfois beaucoup de poids en période de gestation et d’allaitement : nous continuons d’ailleurs à leur donner une nourriture enrichie pendant plusieurs mois une fois les chatons partis, afin qu’elles reprennent du poids. En outre, aussi surprenant que cela puisse paraître, un mâle servant comme étalon est souvent également amaigri du fait d’un métabolisme accru. Enfin, une alimentation de qualité est également indispensable bien sûr pour les chatons, afin qu’ils se développent correctement.

 

Beaucoup d’éleveurs optent pour la nourriture industrielle, car il s’agit d’une solution simple – c’est d’ailleurs celle pour laquelle nous avions opté à nos débuts. Toutefois, afin de se rapprocher de la façon dont les choses se passent en milieu naturel, il est possible de nourrir ses chats avec de la nourriture crue (dite BARF) : sa préparation est toutefois délicate, et fait partie des tâches récurrentes qui remplissent bien l’emploi du temps.

 

Le temps passé à l’alimentation dépend du type d’alimentation qu’on choisit, mais varie d’une période à l’autre en fonction de la présence ou non de chatons. En effet, les adultes sont autonomes, mais ce n’est pas le cas des petits. Pendant leurs premières semaines, ils se nourrissent normalement exclusivement de lait maternel ; ils continuent de le faire dans les mois qui suivent, mais de manière plus épisodique. Toutefois, il est courant qu’il faille nourrir à la main et jusqu’à un âge avancé (8 semaines) certains chatons plus faibles que d’autres pour éviter que la sélection naturelle ne s’exerce, car ils sont écartés de la tétine par les plus forts et risquent donc de mourir si on n’intervient pas.

 

En outre, il n’est pas rare qu’il faille aider la mère dans son rôle : certaines chattes (souvent des jeunes mères) ne savent pas s’occuper correctement de leurs petits, d’autres n’ont pas assez de lait voire dans le pire des cas ne peuvent pas allaiter. Lorsque la mère est partiellement ou totalement défaillante, il faut donner régulièrement des biberons aux petits pendant au moins tout leur premier mois – dans le second cas, cela doit même être fait toutes les 3 heures, jour et nuit.

 

S’occuper de chatons est très prenant, car il est nécessaire de veiller aussi à toutes sortes d'autres choses : leur transit (les faire uriner et déféquer par des gestes techniques, si la mère ne le fait pas), les peser tous les jours (en particulier pour les plus frêles), surveiller la température ambiante, changer les couvertures, mais aussi passer des heures entières auprès d’eux et à leur contact, afin qu’ils soient parfaitement familiarisés aux humains.

 

Une vétérinaire réalisant une échographie d'une chatte grise

La pression commence d’ailleurs à monter avant même l’arrivée des chatons, car la période qui précède la mise bas est critique : il faut être suffisamment disponible pour pouvoir rester auprès de la chatte tout le temps nécessaire (parfois plus d’une journée entière), et ne pas hésiter à aller en urgence chez le vétérinaire en cas de complications, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit. Certaines chattes présentent des signes avant-coureurs plusieurs jours avant la mise bas, d'autres seulement quelques heures avant : il est donc souvent impossible de déterminer avec précision quand celle-ci surviendra, ce qui nécessite parfois d'être sur le qui-vive pendant plusieurs jours.

 

Il faut par ailleurs se rendre régulièrement chez le vétérinaire, même lorsque tout va bien : non seulement pour vacciner les adultes tous les ans, mais aussi pour faire identifier les chatons via la pose d’une puce électronique, les vacciner à 2 ou 3 reprises durant le sevrage, poser un implant contraceptif à un étalon pour le mettre au repos provisoirement…

 

En revanche, pendant la gestation d’une chatte qui habituellement ne pose pas de problème, nous ne l’emmenons pas chez le vétérinaire s’il n’y a rien d’anormal. Certains éleveurs le font malgré tout, afin de lui faire passer une radio permettant de connaître à l’avance le nombre de chatons dans une portée. Nous n’en voyons pas vraiment l’intérêt, sachant que le rayonnement est toujours nocif. Plus généralement, certains éleveurs - notamment ceux qui débutent - ont une démarche très médicalisée. De notre côté, avec l’expérience, nous avons appris à laisser faire la nature.

 

Par contre, certaines femelles au contraire ont des difficultés à mettre bas. Dans ce cas, il convient de suivre au mieux l’avancement de la gestation : déterminer via une radio le nombre de bébés qui vont naître, s’assurer grâce à une échographie qu’il n’y a pas de mort in-utéro, vérifier si le terme n’est pas trop dépassé (amniocentèse) afin de ne pas réaliser une césarienne trop tôt (sachant qu’il est rare qu’on connaisse au jour près la date exacte de la fécondation)… Il peut alors être nécessaire de se rendre chez le vétérinaire à 4 ou 5 reprises tout au long de la gestation.

 

Par ailleurs, être éleveur ne se limite pas à organiser des reproductions et prendre soin des animaux ainsi que de l’environnement dans lequel ils vivent. En effet, il faut aussi faire la promotion de son élevage et trouver des adoptants pour les petits. Cela nécessite de répondre aux mails, SMS, messages sur WhatsApp et autres réseaux sociaux, passer des heures interminables au téléphone avec des personnes qui le plus souvent ne deviennent pas clients au final, sacrifier les fins de journées et nombres de week-ends à recevoir des visites de personnes qui souvent viennent visiter l’élevage par simple curiosité ou distraction, et non pour adopter (certains vont voir des élevages comme ils iraient au zoo)…

 

Un chat tenant dans ses pattes un appareil photo

Réaliser des photos des chatons est aussi une tâche difficile et vraiment longue avant d’obtenir un résultat correct. On ne peut pas vraiment demander à un chat adulte de poser, alors imaginez avec un petit… Même en ayant un Réflex de qualité et de bonnes connaissances en photographie, cela n’a rien d’évident. Or, c’est évidemment un prérequis pour pouvoir publier une annonce de vente de chatons, mais aussi pour montrer le type d'animaux que nous produisons et ainsi inciter les futurs adoptants à avoir envie d’en obtenir un similaire issu d’une portée à venir.

 

Par ailleurs, il est indispensable de disposer d‘un site internet présentant l’élevage. Or, son développement peut représenter des mois de travail… Confier sa création à un professionnel est toutefois une solution à envisager pour non seulement gagner du temps, mais aussi aboutir à un résultat de qualité. Cela dit, avoir un site n’est pas tout : il est primordial de le faire vivre, par exemple en y annonçant les nouvelles portées, en ajoutant des photos des bébés pour montrer leur évolution, en publiant éventuellement des photos et témoignages transmis par des familles adoptives, etc. Tout cela peut être assez chronophage.

 

La partie administrative est aussi une tâche incontournable, et qui fait pleinement partie du quotidien : comptabilité, factures, banques, gestion des réservations de chatons, enregistrement de ces derniers au LOOF et auprès de l’I-CAD, actes de vente, déclarations sociales, impôts…

 

Enfin, de nombreux éleveurs font le choix de participer à des expositions félines. Celles-ci sont certes source de stress pour leurs chats, mais elles leur permettent de rencontrer des confrères et surtout d’asseoir leur réputation (surtout si leurs protégés remportent des prix) ainsi que de se faire connaître d’adoptants potentiels. Ces évènements se déroulent sur l’espace d’un week-end et nécessitent donc de s’absenter de son domicile pendant 4 jours, en comptant les déplacements – à moins bien sûr qu’elles aient lieu à proximité.

 

Ce tour d’horizon n’est pas totalement exhaustif, mais permet de réaliser combien le métier d’éleveur revêt une multitude de facettes et est constitué à la fois de tâches quotidiennes (l’entretien, par exemple) et d’autres qui reviennent de manière récurrente, soit à échéance régulière, soit de manière imprévisible (ces dernières sont souvent les moins agréables, à l’instar par exemple des urgences de santé).

Vos vies personnelle et professionnelle sont entremêlées : est-ce problématique ?

Plusieurs chats et chatons jouant dans le salon d'un appartement

Les gros élevages félins, notamment dans les pays de l’Est, ont du personnel. En France, certains éleveurs sont épaulés, mais ils sont minoritaires, et ce sont plutôt des personnes à temps partiel ou en stage qui les aident. Pour ces dernières, il n’y a bien sûr pas d’intrication entre la vie professionnelle et la vie personnelle : la question ne se pose que pour l’éleveur.

 

Il est amusant en tout cas de constater que la généralisation du télétravail induite par la crise de la Covid-19 a brisé pour nombre de personnes la barrière géographique et temporelle qui séparait leur activité professionnelle et leur sphère privée. Or, dans les métiers de l’agriculture (dont fait partie celui d’éleveur), c’est une réalité depuis bien longtemps : on est rompu par nécessité à ce mode de vie dans lequel le lieu où on travaille est aussi celui où l’on vit, dans lequel on ne compte pas ses heures et dans lequel bien souvent plusieurs membres du foyer contribuent à l’effort.

 

De fait, le métier d’éleveur de chats est très astreignant et fait partie des moins bien rémunérés quand on ramène au nombre d’heures investies. Il est exercé par des passionnés dont la perception de la notion de travail est bien différente de celle établie dans notre société, et qui s’épanouissent dans ce qu’ils font. Ne pas partager cet état d’esprit ou choisir de devenir éleveur sans savoir à quoi s’attendre ne peut qu’être source de déconvenues.

 

Les éleveurs félins comme canins restent des éleveurs à part entière, avec toutes les contraintes du métier. Cela dit, s’ils peuvent trouver à juste titre leur travail pénible et/ou peu rentable, ils peuvent aussi comparer avec leurs confrères exerçant dans l'agro-alimentaire, c’est-à-dire dans l'élevage d'animaux de consommation : ces derniers sont souvent encore moins bien lotis.

Quelles sont les plus grandes difficultés que vous rencontrez ?

Un chaton se faisant les griffes sur un canapé au tissu orange

Dans notre élevage, il n’y a pas de dissociation des locaux entre le lieu de vie des animaux et la nôtre. Ce n’est ni un modèle d’élevage conventionnel, ni préconisé, même si c’est le seul à pouvoir garantir une si haute familiarisation des chatons, puisqu’ils grandissent vraiment à nos côtés, au cœur du foyer.

 

Comme expliqué plus haut, l’hygiène se doit d’être irréprochable dans un élevage, au risque d’exposer les animaux à toutes sortes d’ennuis de santé - en particulier les chatons, qui sont sensiblement plus fragiles du fait que leur système immunitaire n’est pas encore mature. Or, dans un logement, il est inenvisageable d’user des mêmes méthodes rapides et puissantes de nettoyage qu’au sein d’une chatterie : lavage à grande eau, nettoyeur à haute pression, désinfection thermique, produits bactéricides ou antifongiques dont la toxicité nécessite de vider temporairement les lieux, etc. De plus, une habitation contient du mobilier : ainsi, en plus de faire la chasse aux microbes, nous devons laver toutes sortes de meubles (canapés, fauteuil…) que nous utilisons mais sur lesquelles tant les femelles que les mâles n’hésitent pas à répandre de temps à autre leur urine. C’est particulièrement le cas lors des périodes de chaleurs, d’accouplements et de mise bas : le problème se pose alors plusieurs fois par jour. La seule solution pour supprimer les odeurs est le lavage à grandes eaux : soit dans la douche, soit en utilisant un jet d’eau (car un canapé par exemple n’entre pas dans la douche) et en aspirant conjointement l'eau avant d'inonder le voisin du dessous... Ce n’est qu’au prix d’efforts continuels que nous offrons à nos chats et à nous-mêmes un excellent niveau de propreté - au point que les visiteurs sont étonnés qu’il ne subsiste aucune mauvaise odeur, comme c’est pourtant souvent le cas dans une chatterie conventionnelle. Néanmoins, il est évident que passer son temps à nettoyer des objets (notamment du mobilier) qui n’ont pas été conçus pour provoque leur usure anticipée.

 

Une autre difficulté d’ordre pratique qu’implique notre choix de faire vivre nos protégés directement dans notre logement est que les chats font naturellement leurs griffes un peu partout – c’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles l’activité d’élevage se réalise d’ordinaire en installant les animaux dans un endroit distinct du lieu de vie. Il n’est pas forcément trop difficile d’apprendre à un adulte à faire ses griffes à un endroit spécifique pour éviter qu’il n’abîme trop les meubles, mais les choses sont différentes avec les chatons : ces derniers sont toujours très destructeurs durant plusieurs semaines. Nous nous efforçons donc d’éduquer nos bébés pour qu’ils soient le plus vite possible respectueux de leur environnement, un aspect nullement abordé dans une chatterie traditionnelle où il n’y a rien de particulier à protéger. Nous sommes satisfaits de voir que nos efforts ne sont pas vains, même si le moment où ceux-ci commencent à porter leurs fruits coïncide avec celui où les chatons rejoignent leur nouvelle famille : ce sont surtout les adoptants qui profitent du résultat, plus que nous.

Avez-vous déjà eu des frayeurs ?

Un chaton Norvégien marchant sur une poutre métallique

Un alpiniste chevronné à flanc de falaise n’est pas effrayé, car il est dans son domaine de compétence. En revanche, toute autre personne qui serait à sa place n’en mènerait pas large. On ressent de la frayeur face à l’inconnu, à quelque chose que l’on ne maitrise pas ; quand au contraire on est bien préparé, la frayeur n’a normalement pas sa place.

 

Ainsi, il est vrai qu’il nous arrive d’avoir de l’appréhension ou des difficultés (par exemple lors d’une mise bas que l’on sait à risque, en cas d’épizootie…), mais ni frayeur ni panique. Comme dit l’adage : « La peur n'évite pas le danger, le courage non plus. Mais la peur rend faible, et le courage rend fort ».

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans ce métier ?

Une jeune fille avec un chaton Norvégien roux

Un métier permet de gagner sa vie, et l’attrait principal de certains métiers est leur rémunération. Mais de nombreux métiers se distinguent plutôt par la qualité de vie liée à leur exercice, l’épanouissement qu’ils procurent ou toute autre valeur non pécuniaire. Celui d’éleveur, en tout cas tel que nous le pratiquons avec en permanence le souci du bien-être des animaux, appartient davantage à la seconde catégorie. La manière dont nous traitons nos chats les rend particulièrement affectueux et proches de nous : leur présence au quotidien nous procure un réel bien-être, qui se révèle être une source d’agrément incommensurable.

 

Mais élever des animaux de compagnie, c’est aussi un métier qui potentiellement procure de la joie aux clients. En effet, les personnes qui adoptent un chien ou un chat le font la plupart du temps en espérant que celui-ci apporte du bonheur au sein du foyer, notamment à travers les liens qu’il tisse avec les membres de sa famille adoptive. Les chiens sont de manière innée proches des humains même sans dressage particulier, et les éleveurs canins n’ont pas de mal à ce que leurs animaux s’attachent spontanément à leur famille adoptive. Il en va différemment des chats, qui sont naturellement plus indépendants et méfiants : beaucoup de personnes adoptant un chat sans connaitre suffisamment les caractéristiques psychologiques et comportementales de cette espèce sont d’ailleurs déçues, car elles s’attendent à vivre avec leur animal la même relation qu’avec un chien. Toutefois, sous réserve de s’y prendre dès le plus jeune âge, il est possible de conditionner nombre d’animaux afin de changer leur comportement inné - et cela vaut particulièrement pour les félins, à commencer par les chats. C’est précisément ce que nous faisons au sein de notre élevage, ce qui nous permet de proposer des chatons beaucoup plus proches des humains que la moyenne.

 

Nous sommes ravis de constater que notre mode de fonctionnement permet d’atteindre ce que de nombreux spécialistes du comportement félin considèrent comme le Graal, à savoir obtenir des chats dont le caractère rappelle par certains aspects celui d’un chien. Néanmoins, notre gratification ultime est celle engendrée par tous les messages de satisfaction que nos clients nous adressent après l’adoption de leur chaton, nous félicitant et nous remerciant de leur avoir procuré un chat ayant un tel tempérament. Ne pas en tirer une merveilleuse satisfaction serait faire preuve de bien peu d’altruisme.

Et ce qui vous déplaît le plus ?

Deux chatons enfermés dans une cage et mis en vente sur un marché

Le métier d’éleveur se décline de nombreuses manières, et certaines enlevant toute valeur à la vie animale (comme l’élevage de poulets en batterie) font peser bien des malentendus du fait d’amalgames sans fondement, dans un contexte où la cause animale occupe une place grandissante et mobilise un nombre croissant d’acteurs.

 

Certes, il existe également des pratiques condamnables dans le monde des éleveurs d’animaux de compagnie, mais elles sont peu répandues. Il n’en reste pas moins qu’eux aussi sont dans une certaine mesure victimes de l’acharnement de certains militants, qui parfois agissent vraiment sans le moindre discernement, juste par dogmatisme.

 

Il faut dire que certaines personnes considèrent tout simplement l’élevage de chats ou chiens comme une activité immorale, et voient les éleveurs comme des marchands réalisant des profits sur le dos des animaux. Pour elles, la vente d’animaux est inconcevable, et seuls les refuges devraient avoir le droit d’exister.

 

Il arrive d’ailleurs parfois que de telles personnes téléphonent par erreur à un élevage pour une demande d’adoption, le confondant avec une association vivant de subventions et de dons, plaçant presque gracieusement des animaux abandonnés. Cela nous est déjà arrivé, et il n’est rare en de telles situations d’essuyer d’infamantes invectives verbales… Autant vous dire qu’il faut alors une bonne dose de sagesse pour ne pas y répondre.

Avez-vous davantage de naissances à certaines périodes ?

Un chaton Norvégien gris récemment né se hissant sur ses pattes avant

Dans la nature, les animaux adaptent leurs cycles de reproduction de telle sorte que les naissances arrivent au moment où les bébés auront le plus de chances de survie. La période est différente selon les espèces, mais pour beaucoup de mammifères il s’agit du printemps.

 

Concernant les chattes, la période des chaleurs débute lorsque leur organisme ressent l’allongement de la durée diurne des jours : par conséquent, les accouplements ont principalement lieu en hiver. La durée de gestation étant de 2 mois, les premières naissances arrivent donc dès la fin de l’hiver.

 

Le sevrage dure environ 3 mois, si bien que les chatons se trouvent majoritairement en âge d’être adoptés de la fin du printemps jusqu’au milieu de l’été, c’est-à-dire durant une période juste en amont des vacances estivales - voire correspondant à ces dernières. Or, c’est précisément la période de l’année où la demande en animaux de compagnie est au plus bas... En effet, il n’est pas facile - ni recommandé -de partir en vacances avec un jeune chaton, et faire garder par autrui un animal que l’on vient juste d’adopter n’est évidemment pas idéal.

 

Une fois l’été passé, tout change, puisqu'en général s’ouvre à partir de septembre une phase de plusieurs mois pendant laquelle on voyage moins, et donc favorable à l’accueil d’un animal au sein du foyer. C’est donc au cours de cette période que se concentre le plus gros des demandes d’adoption. Toutefois, les chatons disponibles sont alors peu nombreux, et une partie d’entre eux sont ceux nés au printemps et toujours en attente d’une famille adoptive : ils sont donc plus âgés et bien moins convoités. Les chatons qui atteignent leurs 3 mois en cette période sont rares, car nés à contre-saison.

 

Ainsi, le rythme des saisons conditionne généralement les chaleurs des chattes, en particulier lorsqu'elles ont accès à l’extérieur. Obtenir des naissances dans les périodes de l’année où les jours racourcissent (c’est-à-dire l’automne et l’hiver) est donc difficile. De fait, pour y parvenir, il est nécessaire qu’elles n’aient pas conscience de la saison. C’est ce qui amène certains éleveurs (en particulier dans les élevages intensifs) à les cantonner à l’intérieur et à pratiquer un désaisonnement lumineux en usant d’un éclairage artificiel simulant le jour et la nuit. On peut toutefois légitimement se demander si de telles pratiques sont respectueuses de leur bien-être…

 

Dans notre configuration assez particulière où l’élevage est directement au sein de notre propre espace de vie, il n’est nul besoin de les enfermer dans des pièces de lumino-sensibilisation. En effet, nos chats profitent pleinement du confort de notre espace de vie : ils bénéficient de notre éclairage ainsi que de notre chauffage, et plus largement partagent notre mode de vie d’humains modernes, qui permet de ne pas être directement impacté par les aléas climatiques. De ce fait, nos chattes sont susceptibles d’avoir des chaleurs (et in fine d’être gestantes puis de mettre bas) à n’importe quel moment, sans qu’il soit nécessaire pour cela de recourir au moindre subterfuge. Par conséquent, dans notre cas, les naissances se répartissent d’une manière assez harmonieuse tout au long de l’année. Ainsi, nous n’avons pas plus de naissances qu’un éleveur conventionnel, mais contrairement à lui nous pouvons avoir des chatons disponibles aussi bien à la Toussaint et à Noël qu’à Pâques ou en plein été.

Comment les adoptants vous trouvent-ils ?

Un clavier d'ordinateur avec une touche portant l'intitulé « Adopt » et l'empreinte d'une patte de chat

Aux débuts de notre activité, en 2004, les seuls vecteurs dont nous disposions pour nous faire connaître étaient les petites annonces sur des sites généralistes et spécialisés, ainsi que notre site internet. Ce dernier n’est bien sûr pas un site marchand sur lequel on achèterait un chaton à la manière d’un quelconque produit sur Amazon ou ailleurs, mais un site vitrine présentant notre activité et notre actualité.

 

Aujourd'hui, les divers réseaux sociaux et autres moyens d’échanges numériques (Instagram, Facebook, WhatsApp…) sont devenus des sources importantes, qui s’ajoutent à celles que nous utilisions déjà.

 

Notre élevage a également été mis en avant plusieurs fois dans des reportages animaliers diffusés à la télévision (sur France 2, C8 et Arte), ce qui a toujours un fort impact ponctuel.

 

Par ailleurs, la notoriété et la réputation d’un élevage se font aussi par le bouche-à-oreille. Cela est d’autant plus vrai dans notre cas qu’étant présents depuis un certain temps, nous avons constitué au fil des années une clientèle assez large qui n’hésite pas à nous recommander à leurs amis, familles et connaissances, mais aussi à publier sur Internet des avis et recommandations. Tout cela fait naturellement boule de neige.

 

Enfin, nous commençons également à voir revenir vers nous certains premiers clients : ils nous indiquent qu’ils ont perdu leur chat, mais que ce dernier les a tellement ravis qu’ils souhaitent en adopter un nouveau lui aussi élevé par nos soins.


En revanche, contrairement à certains de nos homologues, nous faisons le choix de ne pas participer aux expositions félines (concours de beauté pour chats), afin de préserver la tranquillité de nos animaux. Ce faisant, il est certain que nous nous privons d’une certaine visibilité et d’une clientèle supplémentaire.

Quelles sont les questions que les adoptants posent le plus ?

Une personne en train de téléphoner

Nous recevons de très nombreux messages, et il faut admettre qu’il est rare que l’on y trouve des questions originales : ce sont toujours un peu les mêmes qui reviennent, et c’est un peu normal.

 

Il est courant que le futur adoptant nous décrive son mode et son cadre de vie, sa structure familiale et diverses autres informations nous permettant de déterminer si la manière donc nous élevons nos chatons est en adéquation avec ses attentes. En l’occurrence, la majorité des personnes qui s’adressent à nous le font parce qu’elles cherchent justement un chaton bien adapté pour la vie en appartement : malgré ce qu’elles ont pu lire sur nous, elles tiennent à confirmer ce point. En effet, il s’agit souvent de personnes ayant jusqu'alors renoncé à leur envie d’adopter un chat, du fait justement qu’elles ne possèdent pas de maison avec jardin, mais qui s’apprêtent à franchir le pas après avoir découvert la particularité de notre mode d’éducation.

 

Outre l’adaptabilité de l’animal à la vie en intérieur, on nous sollicite souvent ensuite sur ses besoins. Nous avons donc affaire à des personnes qui se soucient du bien-être de leur futur compagnon et, conscientes de l’investissement nécessaire au conditionnement comportemental initial des chatons, savent pertinemment que ce type d’élevage les rend moins accessibles sur le plan financier qu’une autre approche plus conventionnelle. L’évocation du prix ne vient alors qu’en fin de discussion, car il ne s’agit pas en soi d’un critère de choix prépondérant - pas plus d’ailleurs que le délai d’obtention.

 

Nous recevons également beaucoup de messages courts et non circonstanciés de personnes qui nous interrogent principalement sur le prix (avec en critère déterminant le fait qu’il soit le plus bas possible) et la rapidité à obtenir un chaton. Il s’agit souvent de primo-adoptants. Nous n’hésitons pas à les renseigner en leur envoyant systématiquement une longue documentation dans laquelle, en plus de la présentation de notre particularité, sont décrits les différents types d’élevages qui existent, ainsi que les coûts que posséder un animal induit tout au long des années qu’on partage avec lui.

 

Il est vrai que le montant à débourser lors de l’adoption peut varier fortement en fonction de la race, du type d’élevage, de la lignée dont est issu le chaton, du fait qu’il soit vendu pour la compagnie ou pour la reproduction, etc. Cela dit, le prix d’acquisition d’un chat ne représente pas grand-chose par rapport au budget total à prévoir pour en prendre soin correctement tout au long des années qui suivent. Nous comprenons parfaitement que la plupart de ces personnes ne feront pas partie de nos clients, mais nous essayons de leur faire comprendre que ce serait une erreur de sélectionner un animal uniquement en fonction de son prix.

Vous arrive-t-il de refuser des ventes ?

Une personne proposant à une autre de signer un papier, cette dernière signalant son refus

En France, le refus de vente à un consommateur est prohibé par l’article L. 122-1 du Code de la consommation, qui stipule que « il est interdit de refuser à un consommateur la vente d'un produit ou la prestation d'un service, sauf motif légitime ».

 

Il s’agit pourtant d’une pratique malheureusement trop courante dans le monde de l’élevage. Nous mettons d’ailleurs en garde nos confrères sur le risque encouru en cas de dépôt de plainte par un adoptant débouté : en cas d'infraction, les amendes sont celles prévues pour les contraventions de 5ème classe (jusqu’à 1500 euros, montant doublé en cas de récidive, et 7500 euros s'il s'agit d'une société).

 

Bien entendu, nous rencontrons régulièrement des situations où les conditions ne sont pas du tout réunies pour que l’adoptant potentiel puisse accueillir un chaton dans des conditions correctes. Néanmoins, d’une manière générale, les gens sont censés : il y a juste besoin de leur faire prendre conscience de l’inadéquation entre leur envie et la réalité. Le dernier cas en date fut celui d’un chauffeur routier vivant seul, passant 5 jours par semaine dans son camion, et envisageant l’adoption d’un chat pour profiter de sa présence le week-end. Cette personne n’avait nullement pris conscience qu’un chat ne doit pas vivre seul et enfermé jour et nuit pendant des journées entières...

 

Le dialogue permet donc d’éviter tout adoption irraisonnée, et nous pouvons au besoin mettre en avant bien des arguments et formuler toutes sortes de mises en garde pour dissuader l’acquéreur. Nous espérons donc ne jamais tomber sur quelqu'un d’obtus car du strict point de vue de la loi, nous n’avons malheureusement pas le droit de refuser une vente. En effet, l’usage du « motif légitime » pour autoriser un tel refus est très limité et laissé à la libre appréciation d’un juge - une situation conflictuelle à laquelle nous ne souhaitons pas risquer d’être confrontés.

Avez-vous parfois plusieurs adoptants pour un même chat ?

Un chaton Norvégien blanc aux yeux bleus allongé

Pouvoir choisir entre plusieurs adoptants pour un même chat pourrait sembler pertinent, afin de lui offrir le meilleur… Malheureusement, cette pratique serait assimilable à une vente discriminatoire et est donc interdite, bien qu’assez répandue dans la pratique.

 

Nous procédons d’une manière bien cadrée et totalement équitable. Comme nos chatons sont convoités, ils sont réservés la plupart du temps très en amont, avant même leur naissance. Nous avons donc mis en place tout simplement un système classique de commandes dans lequel sont stipulées précisément les caractéristiques du chaton désiré en termes de couleur de robe et/ou de sexe. Lorsque les chatons naissent, les commandes sont honorées en respectant l’ordre chronologique : la personne qui a réservé il y a le plus longtemps est la première à choisir un chaton parmi ceux correspondant à ses critères de choix, puis c’est au tour de la deuxième commande la plus ancienne, et ainsi de suite.

 

Autrement dit, le système que nous avons mis en place permet de ne pas avoir à départager les adoptants : nous restons pleinement impartiaux envers nos clients, ce qui nous vaut bien des compliments de leur part. Bien entendu, cela ne nous empêche pas de donner notre avis et nos conseils à ceux qui hésitent entre plusieurs chatons, le choix pouvant en effet vite se révéler cornélien.

Est-ce que certains chatons ne trouvent pas preneur ?

Gros plan sur le visage d'un chaton Scottish Fold

Beaucoup d’éleveurs sont confrontés à cette situation classique consistant à se retrouver avec des chatons ayant déjà un âge « avancé » mais n’ayant toujours pas été adoptés. Cela arrive vite, ne serait-ce que parce qu’un chaton grandit rapidement : à 4 mois, bien des personnes refusent l’adoption et préfèrent attendre une autre portée, et à partir de 5 mois, cela devient quasiment impossible de trouver une famille adoptive sans casser le prix – ce qui est d’ailleurs un drame pour bien des éleveurs.

 

Or, de nombreux facteurs peuvent faire qu’on ne trouve pas preneur dans le délai habituel : une surproduction (parfois au détriment de la qualité, mais pas toujours), une localisation au fin fond d’une zone rurale, une mauvaise promotion, un relationnel qui n’est pas au niveau de ce qu’est en droit d’attendre la clientèle, et qui donc la fait fuir… Il faut en outre souligner qu’il y a en permanence une sorte de décalage temporel : de façon générale, la demande de chatons est la plus forte de septembre à mi-mars, soit la période où justement il y a peu de naissances, puisque celles-ci ont lieu surtout au printemps. Or, dès l’arrivée des beaux jours, les gens pensent plutôt à profiter des week-ends et aux vacances d’été, qui arrivent rapidement. La demande s’écroule au moment même où de nombreux animaux sont à adopter !

 

Pour s’en sortir, certains éleveurs sont amenés à proposer leurs chatons à des prix en dessous du seuil de rentabilité, ou à passer des annonces sur des sites généralistes à large audience mais pas forcément synonymes de qualité… La solution ultime, qui ne se pratique qu’en toute discrétion tant elle est mal perçue par la profession, consiste à céder ses animaux à des animaleries.

 

Heureusement, nous n’avons jamais été confrontés à une telle situation : même lorsque nous avons débuté notre activité et n’étions pas connus, nous avons réussi à trouver des familles adoptives pour tous nos chatons et à les placer à l’âge idéal. Cela est certainement lié à notre position géographique ainsi qu’à notre mode d’élevage, qui a tout de suite beaucoup séduit. Aujourd'hui, la demande est telle que nous avons mis en place depuis déjà longtemps un système de réservation en amont des naissances : cela permet aux personnes désireuses d’obtenir un de nos chatons d’avoir la garantie que cela sera possible, sous réserve de savoir patienter - parfois quelques mois, en particulier si elles fixent des critères très précis.

Participez-vous à des expositions félines ?

Un chaton tricolore allongé sur un coussin vert, lors d'une exposition féline

Il est vrai que bien des éleveurs participent à ce type de rassemblements, qui offrent notamment l’occasion de créer des alliances dans ce milieu très concurrentiel – par exemple pour orienter vers un éleveur « ami » les adoptants qui ne souhaitent pas attendre lorsqu'on n’est pas en mesure de leur proposer ce qu’ils souhaitent, mais aussi parfois pour au contraire leur déconseiller un confrère dont on estime qu’il fait mal son travail.

 

Toutefois, la principale raison de s’y rendre est bien sûr de faire la promotion de son élevage et de placer ses chatons. Beaucoup d’éleveurs ont des spécimens magnifiques, et les faire participer à ces concours de beauté permet clairement de les mettre en valeur. Il ne faut pas perdre de vue en effet que le travail d’élevage consiste aussi à participer à l’amélioration des races, et les expositions permettent justement de mettre en avant le fruit du travail des éleveurs. Nous sommes donc pleinement conscients de l’importance de ces évènements, et ne saurions nullement porter de jugements pernicieux envers leurs adeptes.

 

Pour autant, nous nous sommes positionnés sur un créneau de très haut standing, avec une approche différente de celle répandue dans les élevages plus traditionnels. En effet, à partir du moment où la recherche du bien-être des animaux fait partie des premières valeurs de notre cahier des charges, nous ne saurions nous autoriser à les soumettre au stress intense qu’implique la participation à des expositions félines. Imaginez ce que subit un animal transporté aux quatre coins du pays (voire à l’international), contraint à des journées entières de présentation à une foule de personnes défilant devant la cage dans laquelle il est enfermé. En outre, ces manifestations sont également synonymes de risques sanitaires, notamment celui des dermatophyties et autres parasitoses.

 

Au demeurant, nous ne nous reconnaissons nullement dans la mentalité du monde de l’élevage, ou les amis d’un jour deviennent ennemis le lendemain, et où les animaux servent trop souvent de faire-valoir à des personnes à l'ego démesuré.

Les expositions ont-elles un intérêt pour un éleveur ?

Une personne tenant un chat dans ses bras lors d'une exposition féline

Participer à de tels rassemblements est indéniablement recommandé si l’on souhaite se faire connaitre, tant auprès du public que de la communauté des autres éleveurs. À nos débuts, ne connaissant encore rien au monde de l’élevage ni aux besoins profonds des animaux et suivant les conseils glanés ici et là, nous avions également suivi cette voie en participant à quelques expositions ainsi qu’au Salon International de l’Agriculture de Paris. D'ailleurs, sans pouvoir se targuer de ces expériences, il serait bien présomptueux de porter le jugement sévère formulé précédemment.

 

Au demeurant, il faut être lucide : placer des chatons n’est pas toujours chose aisée, et à moins de bénéficier dès le départ de solides atouts, choisir sciemment de négliger les avantages qu’offre la participation aux expositions et autres évènements serait hasardeux.

 

En effet, les prix et distinctions que remportent les chats d’un éleveur sont un faire-valoir majeur pour son établissement.

 

En outre, ces évènements drainent de nombreux adoptants potentiels, qui ont alors l’occasion de facilement voir plusieurs races et rencontrer une multitude d’éleveurs. Pour ces derniers, c’est donc un moyen de tisser un lien avec un large éventail d’acquéreurs potentiels, et la possibilité d’exhiber sur son stand des coupes de victoires aide alors beaucoup.

 

Ainsi, il est indiscutable que les expositions ont de nombreux atouts, et font gagner à tout le monde un temps précieux. Nous ne pourrions que conseiller aux nouveaux éleveurs qui auraient besoin de se sentir encadrés d’entrer dans le moule. Opter pour en faire autrement, c’est prendre le risque de se trouver de fait au ban de la profession, avec toutes les difficultés qui peuvent en découler. Pour autant, ce n’est pas nécessairement gage d’échec : il existe quelques contre-exemples, dont nous faisons partie. Comme dit la chanson : « chacun sa route, chacun son chemin ».

Y a-t-il quelque chose dont vous êtes particulièrement fier ?

Un chat Siamois installé sur l'épaule d'une personne, tous les deux se regardant avec complicité

Notre notoriété croissante nous a valu plusieurs passages à la télévision et reportages, ainsi que quelques collaborations particulières comme celle avec un photographe qui, travaillant pour la publicité d’un médicament vétérinaire, avait besoin d’animaux particulièrement collaboratifs pour des séances photos en studio. Nous sommes d’ailleurs sollicités assez régulièrement pour ce type de collaborations.

 

Toutefois, nous ne les acceptons que bien plus rarement qu’auparavant. En effet, participer à des tournages nous prend du temps, et les sollicitations allaient croissantes au fil des années. Sachant que les sociétés de production vendent leurs réalisations et disposent d’un budget pour les créer, nous avons décidé de ne plus mettre à disposition nos animaux et nous-mêmes que contre rémunération, et non plus gratuitement. Mécaniquement, cela limite ces collaborations, comme nous le souhaitions.

 

Néanmoins, il y a une chose à laquelle nous accordons bien plus d’importance que cette couverture médiatique : les retours que les familles adoptives nous font concernant le tempérament de leur chaton, qui est fortement modelé par la proximité permanente que nous entretenons avec eux durant toute la phase de sevrage. Grâce à ce travail, leur caractère correspond pleinement aux attentes des adoptants, et beaucoup ont la gentillesse de nous en faire part. Même si nous sommes habitués à recevoir des félicitations pour le choix de ce mode d’éducation, cela fait à chaque fois bien plaisir. De fait, ce métier est riche en émotions : si un jour nous étions blasés, il faudrait penser à arrêter.

 

Je pense en tout cas qu’il est certain que nous avons su raison garder, sachant par exemple ne point nous enorgueillir de quelque évènement audiovisuel, mais rester sensibles au fait de pratiquer un métier qui apporte du bonheur aux autres. Le terme « fierté » possède une connotation de supériorité à l’égard d’autrui, et son emploi est bien trop souvent galvaudé. Après tout, nous ne sommes ni des pompiers qui sauvons des vies humaines, ni des astronautes ayant marchés sur la Lune. Nous lui préférons donc celui de « méritant ».

Avez-vous une anecdote amusante à partager ?

Un chaton Norvégien gris jouant avec une corde

Nous avons été effarés de recevoir un jour chez nous une personne qui venait voir nos petits et voulait un chaton dont la couleur serait assortie à celui de son manteau de fourrure… Nous avions l’impression de revivre une scène du célèbre film de Walt Disney, Les 101 dalmatiens, et de nous retrouver face à Cruella.

 

Dans un tout autre registre, nous avons reçu au milieu des années 2000 un coup de téléphone qui nous a paru au premier abord relever du canular, mais qui rapidement s’est révélé ne pas en être un du tout. Il s’agissait en effet d’une ligne appartenant à l’Élysée, plus exactement au cabinet de la Présidence. Nous avons alors été en relation à plusieurs reprises avec un membre de l’équipe présidentielle qui recherchait un chaton pour la Première Dame. Malheureusement, nous n’avions point de chaton en sevrage à ce moment-là, et n’avons donc pas eu l’honneur de pouvoir satisfaire cette demande.

 

Pour finir, une dernière anecdote sur la plus burlesque des situations que nous ayons connue, et qui est aussi une belle illustration de la vanité humaine. Comme vous pouvez facilement l’imaginer, il n’est pas rare que nous ayons plusieurs visites le même jour, en particulier les week-ends. Bien entendu, nous nous arrangeons alors pour recevoir les gens à des horaires bien distincts. Toutefois, il arrive que certaines personnes ne respectent pas les rendez-vous, et arrivent très en retard ou largement en avance. D'autres restent plus longtemps que prévu, si bien qu’elles sont encore chez nous lorsque les suivants sonnent à leur tour. C’est ce qui arriva un beau jour de 2018. Il était environ 16 heures, et nous avions alors passé près de 2 heures avec une famille qui était venue voir nos chatons. Ils auraient aimé en adopter un tout de suite, mais ceux-ci étaient tous réservés et plusieurs mois d’attente étaient à prévoir avant une autre portée. Ce délai fait qu’ils n’arrivaient finalement pas à franchir le pas de la commande, et nous expliquaient alors qu’il leur fallait « prendre le temps de la réflexion ». Par expérience, nous savons pertinemment que les personnes qui disent ça et s’en vont ne reviennent pas. Ils étaient donc en en train de partir quand arriva avec un peu d’avance notre rendez-vous suivant, qu’ils croisèrent sur le palier. Cela ne dura que quelques instants, mais suffisamment pour qu’ils reconnaissent la personne - une actrice montante à la célébrité déjà bien établie. Il faut croire que cela suffit à les faire changer d’avis : sur le coup de 17h30, ils nous téléphonèrent en nous demandant si nous étions de nouveau disponibles pour les recevoir, alors qu’ils nous avaient quitté moins de deux heures plus tôt. Dès qu’ils arrivèrent, leur première question fut de nous demander s’il s’agissait bien de cette actrice - ce que nous leur confirmâmes, en leur indiquant même le chaton qu’elle avait adopté (l’un de ceux qu’ils avaient vu deux heures avant, et qui n’était plus là). Sans plus tergiverser, non seulement ils décidèrent de passer commande, mais en plus cette dernière porta non pas sur un mais deux chatons !

Dernière modification : 02/16/2023.

Sommaire de l'article

  1. Page 1 : Se lancer comme éleveur félin
  2. Page 2 : Le quotidien d’un éleveur de chats
  3. Page 3 : La reproduction et l’adoption des chats
  4. Page 4 : La profession d'éleveur de chats